Ces 13 pays qui conservent un « triple A »

, par Michel DECAYEUX

le 08.08.2011 Le Parisien et l’AFP

Exit les Etats-Unis. Depuis l’abaissement par S&P de la note de la dette américaine, seuls treize pays, dont onze européens, font désormais partie du cercle restreint des pays ayant la meilleure note, un « triple A », auprès des trois grandes agences de notation Les meilleurs élèves dans la zone euro, notés « triple A » à la fois par Moody’s,Standard and Poor’s et Fitch, sont l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. A leurs côtés, figurent également le Danemark, la Norvège, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse, ainsi que le Canada et Singapour.

Ces treize pays « triple A » jouissent également d’une perspective stable, c’est-à-dire que leur note ne devrait pas changer dans les six à 24 mois En revanche, la situation est plus contrastée pour les autres pays membres du G20 ou de l’Union européenne, où seuls l’Australie et les Etats-Unis profitent d’un « triple A » chez au moins une des trois agences.

Ainsi, l’Australie a conservé son « triple A » chez S&P et Moody’s mais l’a perdu chez Fitch (AA+), le tout avec une perspective stable. Les Etats-Unis, dégradés à "AA+" et sous perspective négative chez S&P, ont toujours la meilleure note chez ses deux concurrentes, mais elle est sous surveillance chez Moody’s et sous perspective stable chez Fitch.

En dessous de BBB- ou de Baa3, les pays sont considérés comme des emprunteurs moins fiables, c’est-à-dire que la dette qu’ils émettent est jugée comme un investissement spéculatif par au moins une des agences de notation. C’est le cas de l’Irlande, du Portugal, de l’Indonésie, de la Turquie ou encore de l’Argentine. Enfin, la Grèce n’a cessé de voir sa note dégradée par les agences depuis un an, et se situe désormais à un niveau qui "équivaut à un défaut partiel", selon Standard and Poor’s ("CC", perspective négative).

Qui sont les agences de notation ?

Elles sont trois et peuvent semer la panique sur les marchés financiers. Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch, les trois grandes agences de notation mondiales surnommées les « Big Three », ont à de nombreuses reprises été conspuées pour leur rôle dans les crises économiques à travers le monde depuis leur création au début du siècle dernier La plus ancienne est Moody’s, fondée en 1909 par John Moody, qui a eu le premier l’idée d’attribuer des lettres pour évaluer l’endettement des compagnies de chemins de fer, le secteur de loin le plus gourmand en capitaux à l’époque. Aujourd’hui encore, les dettes des Etats comme des entreprises sont évaluées avec ces échelons, allant de AAA pour la meilleure note à D, comme « défaut », pour la plus mauvaise.

D’autres agences lui empruntent alors cette méthode, comme Fitch Ratings, créé en 1913, et aujourd’hui contrôlée par l’homme d’affaires français Marc Ladreit de Lacharrière via sa holding Fimalac.

Standard & Poor’s verra elle le jour en 1941, après la fusion de plusieurs agences, dont celle créée par le pionnier de la profession, Henry Varnum Poor, qui avait été le premier à compiler, dans un ouvrage paru en 1860, des informations financières sur les compagnies de chemin de fer américaines.

Très rapidement, la notation inventée par John Moody’s est étendue aux entreprises et industries, puis, en 1914, aux obligations émises par les villes et collectivités locales américaines, et ensuite aux Etats émettant des obligations sur les marchés américains. Aujourd’hui, 115 pays sont notés.

Dans le passé, « il y a eu de graves abus », selon un spécialiste

Paradoxalement, la crise de 1929 a renforcé leur rôle : dans les années 1930, la réglementation anti-crise américaine faisait pour la première fois explicitement référence aux notes, ou « ratings », en contraignant les banques à ne garder que les investissements considérés comme non-spéculatifs. Devenues peu à peu incontournables, les agences n’ont toutefois jamais cessé d’essuyer des critiques. Comme lors de la faillite d’Enron en 2001, ou, plus récemment, lors de la crise des « subprime » en 2007 car les actifs qui se sont révélés « pourris » étaient souvent bien notés.

« Pour les produits structurés, il y a eu de graves abus », souligne Norbert Gaillard, autour de l’ouvrage « Les agences de notation » (La Découverte). « Les agences avaient un rôle de conseiller occulte auprès des institutions qui émettaient les produits qu’elles devaient ensuite évaluer ». Peu avant de faire faillite, ce qui donna le signal de départ de la crise financière mondiale, la banque Lehman Brothers avait ainsi reçu leur satisfecit, ce qui scandalisa l’opinion publique.

Mais depuis, la réglementation a été renforcée et dans la notation des dettes des Etats, « il n’y a pas de conflit d’intérêts », selon Norbert Gaillard. « Le problème a plutôt été que les agences avaient tendance à être complaisantes, à surnoter les pays occidentaux industrialisés, jugés a priori plus solvables que des pays émergents ». Aujourd’hui, des centaines de petites agences existent dans l’ombre des « Big Three », mais sans mettre en danger leur domination (90% de parts de marché). Elles emploient à elles trois près de 18 000 personnes pour des chiffres d’affaires de 2,9 milliards de dollars (Standard & Poor’s), 2 milliards (Moody’s) et 820 millions (Fitch) en 2010.

Commentaires : Ceux ne sont que quelques hommes d’affaires qui se permettent de juger si un Etat est en faillite ou crédible. Certes ils s’appuient sur des méthodes, mais comme toutes méthodes elles sont plus ou moins empiriques et tout état de cause avec plus ou moins de subjectivité, d’incertitudes d’autant plus que l’économie pour bon nombres d’acteurs est virtuelle. Alors à quand les Etats ne vont plus mettre leur pérennité, leur survie entre les mains de quelques psychanalystes de la finance qui s’en mettent au passage plein les poches ?

Les politiques qui gouvernent ses Etats devraient réfléchir plus que jamais sérieusement à cette main mise de ces « Bookmakers de la finance » à moins que ce ne soit pas une préoccupation prioritaire.  !