MONTATAIRE

, par Michel DECAYEUX

Le Parisien 23.11.2010

D’un côté, un CE à majorité CGT qui veut faire annuler le plan social.De l’autre, des salariés qui veulent choisir le moindre mal face à une menace de fermeture.

« J’ai eu l’impression en entrant dans cette salle que j’allais plaider contre des salariés. Une chose qu’en vingt ans d’exercice professionnel je n’avais jamais ressentie. » Me Koskas, l’avocat du comité d’entreprise (CE) de Goss, majoritairement CGT, était mandaté pour demander hier après-midi au tribunal de Senlis l’annulation du plan social de 300 suppressions de postes.

Presque 50% des effectifs de l’usine de rotatives de Montataire, qui emploie 623 personnes. Dans le dos de l’avocat, une centaine de salariés sont justement présents et forment une masse silencieuse mais oppressante. Eux veulent tout le contraire et exigent la mise en place du plan de sauvegarde. Ils l’ont indiqué clairement mercredi dernier par un référendum interne.

La peur de tout perdre

A la barre du tribunal, c’est finalement une médiation avec la direction qu’a proposée Me Koskas. « Je ne peux pas faire comme si ce référendum n’avait pas existé. J’essaie de comprendre comment la moitié des salariés ont pu voter pour le départ de l’autre moitié (…). J’ai convaincu mes clients (NDLR : la CGT) qu’il fallait tendre la main, ouvrir les négociations et demander une conciliation. »

Cette situation exceptionnelle et paradoxale a été mise à plat hier après-midi, pendant trois heures. Beaucoup de lassitude se lit sur les visages des salariés (lire ci-dessous) qui redoutent le dépôt de bilan imminent de leur entreprise. Le site de Montataire vit à crédit. Chaque mois, l’usine perd 2 millions d’euros et se retrouve subventionnée par l’actionnaire majoritaire du groupe, autrement dit l’Etat chinois. L’avocat du CE évoque le chantage de la direction qui a distillé la crainte dans les esprits. « C’est la peur de tout perdre. On n’a pas arrêté de menacer les salariés », explique Me Koskas, qui dénonce dans la foulée un plan social peu favorable financièrement aux licenciés.

L’audience devient surréaliste lorsque l’avocate de la direction plaide à son tour et se place en quasi-porte-parole du personnel. « Un syndicat a été désavoué par un référendum de salariés. L’urgence aujourd’hui, c’est la restructuration du site. Les salariés de Goss ne sont pas dupes (…). Le CE nous dit : on va dans le mur et tant qu’à y aller, allons-y maintenant. » S’est ensuivie une bataille sur la (non) communication des documents entre parties, chacune se rejetant la faute. Les magistrats du tribunal de Senlis rendront leur délibéré vendredi prochain, à 16 heures.