En ville, les bureaux de poste déménagent au supermarché

, par Michel DECAYEUX

07 Avril 2015 Le Parisien

Face à la chute drastique du courrier, la Poste réfléchit à transformer son réseau de bureaux. Après les campagnes, voici venu le tour des zones urbaines. Après les campagnes... les villes. La Poste, qui a déjà fermé plus de 7 000 bureaux en zone rurale durant la dernière décennie pour les transformer en agences postales communales ou en relais commerçants, s’apprête à passer à la vitesse supérieure. Selon l’ouvrage de nos deux collaboratrices, « la Face cachée de la Poste », qui sort demain, ce sont près de 7 000 sites dans les villes moyennes, mais aussi à Bordeaux, Lyon ou même à Paris, qui pourraient disparaître d’ici à 2020

sacrée révolution en perspective...

La direction de la Poste refuse pour l’heure de confirmer officiellement cette hypothèse : « En effet, il y aura moins de bureaux de poste à l’avenir. Combien ? Je n’en sais rien. La question n’est pas là », explique, évasif, Philippe Bajou, le patron du réseau (la direction qui gère les bureaux sur tout le territoire). Mais syndicalistes et cadres de l’entreprise en sont convaincus : l’ancienne administration publique devenue une entreprise comme les autres en 2010 — certes, à capitaux publics... — va appliquer à la lettre un remède préconisé la même année dans un rapport explosif de la Cour des comptes. A l’époque, les sages de la rue Cambon écrivaient : « Au regard des 17 000 points de contact actuels, une optimisation commerciale conduirait à un réseau d’environ 3 000 points de vente. »

Un maillage de bureaux qui a coûté 4,2 Mds€ en 2013

Ce scénario relevait de la science-fiction il y a cinq ans. Il est en train de devenir réalité. En effet, la Poste, confrontée à la chute vertigineuse des volumes de courrier, est sommée de réaliser des économies. C’est bien simple, à l’horizon 2020, le nombre de lettres et de petits colis aura été divisé par deux par rapport à ce qu’il était en 2008 ! Or, son maillage très dense de bureaux lui coûte une fortune : près de 4,2 Mds€ en 2013... « Si l’Etat doit combler son déficit chaque année, ce n’est pas tenable [...]. Comme l’a dit la Cour des comptes, il faut fermer des milliers de bureaux de poste, un point c’est tout ! » affirme, sous couvert d’anonymat, un ancien cadre.

A peine nommé en 2013, Philippe Wahl, le nouveau PDG du groupe, a lancé un vaste chantier visant, selon ses dires, à réinventer la présence urbaine pour dégager quelque 500 M€ d’économies dans les prochaines années. Une expérimentation a déjà été menée, loin du regard des médias, à Reims. A Paris, où 96 % des habitants résident à moins de 400 m d’un bureau, le mouvement est également en marche. En catimini. La carte postale urbaine s’apprête pourtant à vivre une mue sans précédent. Dans les campagnes, ces transformations avaient suscité des levées de boucliers. Les habitants des villes seront-ils aussi sensibles à la disparition de ce service public ? Ou trouveront-ils quelques avantages à la métamorphose de leurs bureaux ? Une chose est sûre, la Poste n’a plus une minute à perdre. Nouvelles casquettes pour les facteurs (livraisons de courses à domicile, prises de photos d’un sinistre pour les assurances...), activités numériques et surtout développement des services bancaires... La Poste fait feu de tout bois. Bouger ou mourir. A l’heure où la magie est passée du côté d’Internet, ce symbole du service public à la française, ce géant de papier, doit se réinventer. Et vite.