Economie sociale et solidaire : un secteur en croissance fragile

, par Michel DECAYEUX

17/06.2011 Les échos

Les Etats généraux de l’Economie sociale et solidaire se tiennent à partir d’aujourd’hui. Un moyen de gagner en visibilité pour un secteur regroupant 2,35 millions de salariés.

C’est un secteur discret mais qui représente tout de même un emploi privé sur huit. L’économie sociale et solidaire, dont les principaux acteurs organisent ce week-end des états généraux à Paris, regroupe à la fois des structures dont l’objectif est clairement social avec d’autres entités - les mutuelles ou les coopératives -dont c’est davantage la gouvernance qui sort du cadreclassique mais qui opèrent sur des marchés concurrentiels.

Dispersé et disparate, le secteur n’en reste pas moins dynamique puisque 440.000 emplois y ont été créés depuis 2000 (+23 %), et 31.000 pour la seule année 2010, pourtant encore marquée par la crise. Les associations se taillent la part du lion : elles représentent 83 % des établissements employeurs et plus de 77 % des emplois, avec toutefois des temps partiels très nombreux. Contrairement aux entreprises privées traditionnelles, l’économie sociale et solidaire, à l’exception du secteur agricole et des coopératives, ne semble pas avoir souffert de la récession. Mais pour combien de temps ? « Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ont été préservées dans un premier temps car elles sont moins soumises aux aléas du marché mais la majorité d’entre elles sont en revanche très dépendantes des subventions publiques qui sont en nette baisse depuis 2010 », explique Jacques Malet, président de Recherches & Solidarités, organisme de recherche spécialisé sur le sujet. Selon les chiffres les plus récents, un premier retournement de tendance s’est opéré depuis le dernier trimestre 2010 : 15.000 emplois ont disparu depuis cette date. Et 2011 pourrait être une année noire. « En 2011, les associations, qui sont les principaux employeurs, vont connaître les mêmes aléas que les entreprises traditionnelles en 2009 », prévient Jacques Malet. Pour surmonter les difficultés à venir, l’économie sociale et solidaire attend un geste du gouvernement sur le plan financier mais aussi législatif.

Un vrai projet de loi

En avril l’an dernier, le député Francis Vercamer (UMP) a remis au gouvernement une cinquantaine de propositions, notamment d’ordre juridique et financier (« Les Echos » du 29 avril 2010). « Les travaux avancent un peu plus lentement que ce que j’avais espéré, mais le Conseil supérieur de l’économie sociale, que préside Roselyne Bachelot, a décidé de travailler à une loi cadre sur le secteur, observe le député. Si le secteur veut gagner en visibilité et en crédibilité, il ne faut pas faire des amendements au gré des différents textes législatifs mais porter un vrai projet de loi », estime-t-il. Le contenu du texte n’est toutefois pas encore précisément défini ni son calendrier - Roselyne Bachelot a émis des doutes sur un examen parlementaire d’ici la présidentielle.

Autre chantier du secteur : sa participation au dialogue social national. Avec 19 % des suffrages dans le collège employeurs aux dernières élections prud’homales, l’Usgeres attend du Conseil d’Etat - peut-être cet automne -qu’il satisfasse à sa demande de siéger dans certaines instances (Commission nationale de la négociation collective, Conseil supérieur de la prud’homie, Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail). « C’est une question politique mais c’est aussi une question de moyens », reconnaît Alain Cordesse, président de l’organisation patronale, dont le budget n’atteint pas 1,5 million d’euros.

Politiquement, les employeurs du secteur regrettent que leurs dossiers soient toujours portés par les ministères sociaux et non par le Premier ministre - au nom de l’interministériel -ou par Bercy. « L’économie sociale, ce n’est pas que l’économie de la réparation », résume Alain Cordesse.