Barcelone qui pleure, Saint-Quentin-Rouvroy qui se console. Yamaha annonce la fermeture de son unité espagnole. L’usine de l’Aisne sera la dernière pour les deux-roues en Europe.

Le malheur des Espagnols fait le bonheur, pour l’instant, des Saint-Quentinois. Les ouvriers de l’usine MBK-Rouvroy, surpris de la décision brutale révélée hier par le groupe japonais Yamaha, de fermer son usine près de Barcelone, se gardent de tout triomphalisme.

Bien au contraire. La conjoncture est à la morosité. Et il n’est pas question de se réjouir d’un coup dur qui frappe l’usine sœur espagnole employant 417 salariés.

« C’est la première fois dans l’histoire du groupe que Yamaha décide de fermer un site d’une telle ampleur. Ce n’est pas de gaieté de cœur et ce n’est pas une bonne nouvelle, concède d’emblée François Mazure, vice-président administratif de MBK Rouvroy. L’érosion du marché du deux-roues se poursuit et ce transfert ne nous donnera un volume supplémentaire que fin 2011 ».

Les négociations s’annoncent tendues en Espagne. Le principal représentant syndical de Barcelone, Oscar Rivera, a déclaré : « La raison économique pour expliquer la fermeture est une énormité, parce que nous sommes plus performants que le site français. »

Avec la fermeture de l’usine espagnole, MBK-Rouvroy doublerait sa production de deux-roues : de 50 000 scooters et motos actuellement, elle passerait à 100 000 machines. Ce qui correspondrait à ses scores de 2007 avant la crise. Une perspective favorable qui resterait en deçà des meilleurs résultats (jusqu’à 120 000) dans les années fastes.

« Des raisons d’efficacité de la production et de logistique »

Hier à la sortie de l’usine, alors qu’ils avaient appris dans la journée la fermeture de Barcelone, les ouvriers du site de Rouvroy oscillaient entre soulagement et inquiétude. « Ce qui nous a sauvés, c’est la qualité de notre travail. Et aussi parce que nous nous sommes diversifiés dans le moteur hors-bord », pense l’un d’eux.

Un autre est plus dubitatif : « On nous a parlé d’intérim pour éventuellement faire face au surcroît d’activité, mais rien de certain. En tout cas, pas d’embauche. On nous a bien dit que ce serait provisoire ». Un dernier, pessimiste : « C’est pour nous endormir. »

Un CE extraordinaire du groupe à Amsterdam (Pays-Bas), fixé au lundi 31 janvier, devrait apporter des explications complémentaires sur cette concentration européenne, « liée à un marché qui ne fait que décliner ».

Dans le berceau de Motobécane, devenu MBK Industrie dès 1984, tant d’eau a coulé sous les ponts depuis plus de 25 ans et la robotisation accentuée des ateliers. L’effectif saint-quentinois a bien fondu, pour s’établir actuellement autour de 650 salariés dont 350 ouvriers. L’atonie du marché du deux-roues perdure et frappe autant l’usine espagnole que celle de l’Aisne.

« Dans le monde entier, en Europe en particulier, on enregistre une baisse prolongée des ventes qui oblige Yamaha à restructurer sa capacité industrielle et à concentrer son activité dans une seule usine », précise le groupe japonais. Le transfert de la production espagnole sur le site de Saint-Quentin-Rouvroy serait aussi motivé « par des raisons d’efficacité de la production et de logistique ».

Un CE extraordinaire s’est tenu hier. « Cette annonce est une surprise totale. Ce n’était pas du tout à l’ordre du jour. On a peur de n’être qu’en sursis », déclare un ouvrier tout en retenue. « C’est dommage pour ces familles-là (ndlr : les Espagnols), reprend un cadre, comment ça va se passer, on est dans l’inconnu ».

La garantie de Yamaha

Le président de la communauté d’agglomération et ancien maire de Saint-Quentin, Pierre André a « depuis trois ans les garanties de Yamahaque le site MBK de Saint-Quentin serait le site protégé en Europe . Les dirigeants tiennent leur promesse. »

Conscient que ce n’est pas pour des raisons politiques mais économiques que les Japonais ont fait ce choix, il souligne que ce qui sauve l’usine « est que la main d’œuvre est plus performante qu’ailleurs.MBK est le fleuron du groupe ». Pour l’instant...