MOUY Quand « Envoyé spécial » filme l’après-Sachs

, par Michel DECAYEUX

Le Parisien 12.11.2010

Les salariés n’ont jamais été aussi nombreux à engager des procédures contre leur ancien employeur. « Envoyé spécial » suit les 219 ex-Sachs, licenciés à la fermeture de leur usine en juillet.

Dans une ambiance quasi familiale, ils se retrouvent par petits groupes devant la salle des fêtes de Mouy dans la nuit humide. Une interrogation commune : « T’as retrouvé du boulot ? » Ce mardi soir, les ex-Sachs ont rendez-vous avec leur avocat. L’usine franco-allemande d’amortisseurs a fermé en juillet dernier, laissant 219 salariés sur le carreau.

Cent soixante d’entre eux ont placé leur confiance dans la cellule de reclassement. Réunis par l’un des leurs, Hervé Outerleys, ils sont près de 90 sur les 107 à contester leur licenciement économique, à s’installer dans la salle Alain-Bashung. « Je voudrais faire avec vous un état d’avancement de la procédure engagée devant le tribunal des prud’hommes de Beauvais. Car j’ai des choses à vous demander », commence Me Fiodor Rilov, spécialiste du droit du travail. Originalité, l’avocat est équipé d’un micro, et une équipe de télévision filme son intervention. Nathalie Gillet travaille pour le magazine de France 2 « Envoyé spécial ». A la suite de la diffusion d’un premier reportage sur la lutte des Sachs lors de la fermeture de l’usine, elle a été chargée de traduire en images « l’après-fermeture ».

Et la journaliste passe d’un témoin à l’autre : un presque sexagénaire qui devra travailler un an de plus pour toucher une pleine retraite, un plus jeune qui court après un job, des femmes qui ont tenté le secrétariat dans le scolaire et le médical, ou encore Me Rilov qui confirme l’explosion ces dernières années des recours devant les prud’hommes. Son souhait de joindre la direction de ZF-Sachs s’est heurté à une fin de non-recevoir.

Debout face aux inquiétudes de la salle, Me Rilov tient surtout à renforcer le lien de confiance avec ses clients. Il décrypte les étapes à venir. Car, le 4 avril 2011, les ex-Sachs sont convoqués devant le tribunal des prud’hommes, 102 en section industrie, 5 en section encadrement. « C’est purement formel, mais il est important que vous soyez présents pour exprimer votre mobilisation : il s’agit de demander si un accord est possible entre les parties,ce qui serait inattendu, estime l’avocat. Il y a donc 99% de chances pour que le juge fixe la date d’une audience de jugement en juillet ou en septembre 2011, lors de laquelle nous présenterons nos arguments. »

30 % ont retrouvé un vrai emploiSous l’œil de la caméra, Me Rilov développe son plan : établir qu’il n’y a aucune justification économique à ces licenciements, que les 55 postes proposés sont sans rapport avec les possibilités du groupe et que le poids des décisions venant de la maison mère allemande par rapport à la direction locale prouve qu’elle était coemployeur. C’est pour ce dernier point que l’avocat fait appel aux éléments dont disposeraient les ex-salariés. Et les mains se lèvent vite pour confirmer le manque d’autonomie de la direction mouysarde. Après une petite heure, la séance est levée. Les derniers échanges portent sur les reclassements obtenus par la cellule : moins d’une cinquantaine d’ex-Sachs, soit près de 30%, auraient aujourd’hui un emploi stable.