ABBEVILLE (80) Coups de théâtre aux Verreries de la Somme

, par Michel DECAYEUX

Le courrier picard 30 Septembre 2010

Trois élus du comité d’entreprise des Verreries ont semé le trouble, hier, en laissant entendre qu’ils allaient donner un avis favorable au plan de sauvegarde de l’emploi. L’unité syndicale est rompue et l’opportunité d’un recours en justice s’éloigne.

C’est à n’y plus rien comprendre. Du côté des Verreries de la Somme, société de 360 salariés spécialisée dans le décor de flacons de parfum, c’est le grand bazar. « Même nous, nous sommes un peu perdus » confiait hier soir Franck Marchand, délégué CGT, à l’issue d’une journée forte en rebondissements.

Devant la Direction du Travail, à Amiens, une quarantaine de salariés s’étaient réunis pour soutenir leurs représentants syndicaux et les élus du comité d’entreprise. Organisée dans le cadre de la mise en place du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), cette réunion devait également permettre de déposer une motion pour signifier la volonté des salariés de contester le PSE devant la justice.

« Ils sont en train de nous entuber »

Mais, vers 10 h 30, coup de théâtre. Trois élus du comité d’entreprise, membres de la CFDT, laissent entendre qu’ils pourraient donner un avis favorable au PSE (44 licenciements sous la forme de départs volontaires).

Les salariés n’en reviennent pas. « Ils sont en train de nous entuber » lance l’un d’entre eux. « C’est pas possible », s’égosille un autre. Éric Bertin, secrétaire du comité d’entreprise, qualifié de « traître » par certains, donne un début d’explication. « Si on ne signe pas, il n’y aura pas d’argent pour financer la formation des départs volontaires. »

Sous les huées, les trois élus reprennent la direction de la réunion, à laquelle refusent de prendre part les autres élus du CE. « C’est incompréhensible, ils ont changé d’avis sans aucune concertation » s’interroge Franck Marchand.

Nouveau coup de théâtre en début d’après-midi. Rentrés à Abbeville, les salariés apprennent que les trois élus ont finalement décidé de donner un avis défavorable au PSE.

Contacté par téléphone, Éric Bertin n’a pas répondu à nos sollicitations pour expliquer ce revirement. « Mais cela ne change rien au fond du problème ; regrette le représentant de la CGT. À partir du moment où l’on donne un avis, favorable ou non, la procédure est lancée. Il fallait s’abstenir. »

En apprenant la nouvelle, l’avocat Fiodor Rilov, sollicité par les salariés pour faire annuler le PSE devant le tribunal de grande instance, tombe des nues. « Lorsque je les ai quittés, samedi, la décision a été prise à l’unanimité. Je ne comprends pas. » Pour les salariés engagés dans la lutte, la pilule est dure à avaler.

Après un débrayage, dans la matinée, tout le monde a rejoint son poste de travail. Pour certains, ces trois salariés élus du comité d’entreprise ont « trahi » l’intérêt général et font le jeu de la direction. « Nous ne nous réjouissons pas de ces dissensions au sien du personnel, conteste ce porte-parole des Verreries de la Somme. La seule chose qui nous importe, c’est que cette société puisse continuer à tourner. »

« Elle est belle l’intersyndicale ! »

Ce représentant de la direction insiste également sur le fait que l’avis du comité d’entreprise n’est, de toute façon, que consultatif. « Nous considérons que les négociations avec les représentants du personnel et les salariés ont déjà eu lieu. Et pour les gens qui perdent leur emploi, plus ça se passe vite, mieux c’est. »

Pour les salariés, la possibilité d’un recours en justice n’est néanmoins, pas complètement éteinte. Maître Rilov, qui estime que le dossier est largement gagnable, suggère que le combat pourrait désormais être porté par un collectif de salariés.

« Nous allons consulter la base mais, si cela se fait, ce doit être au travers de l’intersyndicale », insiste Franck Marchand. Laquelle semble aujourd’hui encore un peu plus fragilisée. « Elle est belle l’intersyndicale des Verreries ! » clamait hier cette salariée au bord des larmes.