ABBEVILLE (80) L’usine Abelia revient dans le décor

, par Michel DECAYEUX

Le courrier Picard Jeudi 19 Août 2010

Deux hauts cadres de l’ex-usine de papiers peints Abelia-décor sont mis en examen par le juge d’instruction abbevillois. Les chefs d’accusation portent sur une gestion calamiteuse ayant conduit à la fin du site employant 270 personnes.

Le juge d’instruction du tribunal d’Abbeville, Aurélien Letocart, a mis dernièrement en examen deux hauts cadres dirigeants de l’ex-usine Abelia (groupe allemand VDN).

Les chefs d’accusation sont lourds. La justice leur reproche la violation de pas moins dix articles du Code du commerce ! Pour faire simple, ils auraient provoqué la banqueroute (en 2005) d’Abelia. L’usine de papiers peints, au produit phare Vénilia, employait 270 personnes.

La banqueroute serait le fruit d’une comptabilité fictive, d’une gestion à perte, de publication de bilans tronqués, d’absence de comptes présentés au registre du commerce et des sociétés (RCS). Ce n’est pas tout.

La mise en examen concerne aussi la fourniture et la confirmation d’informations mensongères sur la situation de l’entreprise et le pompon : l’omission de révéler au procureur de la république des faits délictueux.

« Les salariés avaient raison, cinq ans après » Déjà en 2007, une centaine de salariés ayant porté l’affaire de leur liquidation devant les Prud’hommes avait fait reconnaître (en appel) les manquements du groupe VDN dans le plan de reclassement. « L’affaire continue. Cela démontre que les salariés avaient raison mais cinq ans après » réagit Patrick Sellier. Il est convoqué comme témoin par le juge d’instruction le 20 septembre. Ancien président du comité d’entreprise, responsable de la section CGT, il n’arrive pas à se réjouir de ces mises en examen. « Il y a comme un goût amer. On n’a rien à gagner financièrement. Pour mes camarades infortunés, cela peut juste les rassurer : vous n’êtes pas les coupables mais les victimes. C’est important aussi pour les Abbevillois » dit-il.

La ville a été profondément marquée par la fermeture du site. Une nouvelle plaie dans une économie locale saignée de toute part, perdant une à une ses industries. Entre 2005 et 2007, Abelia a déchaîné les passions jusqu’à peser sur les municipales, (défaite de Joël Hart UMP, maire sortant). Passons sur la reprise avortée par le groupe Unipackaging donnant lieu à un bras de fer entre élus socialistes et communistes de la Région. Quand le sort s’acharne : la destruction d’une partie du site engendrera une pollution à l’huile... Depuis, Abelia semblait définitivement rangée aux oubliettes. « Sans bruit la justice a fait son travail, ajoute Patrick Sellier ». « Ça ne redonnera pas de travail à mes camarades. Certains ne s’en sont jamais remis... une petite cinquantaine ont été reclassés, beaucoup de cadres, la moitié a quitté la région. Pour les autres, un peu d’intérims, des CCD... une grande majorité touche l’allocation de solidarité spécifique (RSS) ou le revenu solidarité active (RSA) ». Une série de banqueroutes, plus silencieuses.