Cotisations sociales : les comités d’entreprise vont devoir passer à la caisse .

, par Michel DECAYEUX

01/11/2018 Le Parisien

Les députés veulent soumettre les avantages délivrés par les comités d’entreprise aux cotisations sociales dès lors que l’aide dépasse les 331 € par an et par salarié. Une mesure qui provoque un tollé du côté des syndicats et des voyagistes.

Place de cinéma à prix réduits, voyages pas chers, bons d’achats à la veille de Noël, activités sportives à tarifs préférentiels… Plusieurs millions de Français profitent, chaque année, de tous ces avantages grâce à leur comité d’entreprise ou aux œuvres sociales de leur employeur (privé ou public). Plus pour longtemps ?

C’est, en tout cas, ce que redoutent les syndicats de salariés et les professionnels du tourisme. Ils tirent la sonnette d’alarme après l’adoption, mardi soir à l’Assemblée nationale, d’un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui prévoit de soumettre aux cotisations sociales, à partir du 1er janvier 2019, les « avantages et cadeaux versés aux salariés » par les CE. Et ce, dès que l’aide dépasse les 331 € par an et par salarié.

Avec quels effets ? Pour bien comprendre, il faut distinguer deux types d’aides délivrées par les CE. D’abord, la pratique des chèques cadeaux. « Ils sont liés à des événements comme Noël, la rentrée de classes, etc. L’Urssaf en dresse la liste précise », explique Nicolas Mignot, directeur général de Comitéo, une entreprise spécialisée dans les cartes cadeaux. Et de poursuivre : « chaque événement peut donner lieu à une aide d’un montant maximum de 166 euros, sans être soumis aux cotisations sociales ». Bref, dans ce cas précis, la réforme revient à limiter l’aide du CE à deux événements dans l’année. Mais là n’est pas le plus important.

« Le budget pour aider les salariés à partir en vacances pourrait être amputé de 50 % » Car les CE aident aussi les salariés au fil de l’année pour des sorties culturelles, sportives, des voyages ou des colonies de vacances. Ces coups de pouce, qui n’étaient pas soumis à cotisation, le seront désormais au-dessus de 330 €. Gros clients des comités d’entreprises, les voyagistes s’en inquiètent. « Dès 2019, le budget des CE pour aider les salariés à partir en vacances pourrait être amputés de 50% » alertent les syndicats des entreprises du tourisme pour qui » le pouvoir d’achat de 12 millions de salariés est retraités est concerné ». Pour eux les arrières pensées de l’Etat sont claires.

Les discussions vont se poursuivre. Une chose semble prévisible : les comités d’entreprise ne pourront plus tout financer « il va falloir faire des choix entre, par exemple envoyer les enfants en colo ou s’inscrire à la salle de sport confirme Nicolas Mignot. « Les comités d’entreprises sont là pour améliorer la qualité de vie des plus bas salaires, ce sont eux qui vont être le plus touchés. » Et c’est tout l’inverse de ce que souhaitait le député auteur de cette réforme, Paul Christophe. « Notre but n’est pas de faire des perdants, mais au contraire de garantir une forme de progrès social » insiste ce député UDI du Nord. Et ce ne gravant dans le marbre de la loi le principe d’une exonération de cotisations sociales pour les aides versées par les CE qui n’était jusqu’ici qu’une tolérance de l’administration fiscale. Ce député précise qu’il ne s’agit qu’une base de discussion. Les débats vont se poursuivre au Sénat, puis à nouveau à l’Assemblée. Objectif : remonter le plafond au-delà duquel les cotisations sociales s’appliquent pour qu’il n’y ait pas de perdant. D’ailleurs indique Paul Christophe « si nous, n’y parvenons pas, je m’engage à porter un amendement de suppression » de cette réforme.

Commentaire : Encore une banderille avant la mise à mort définitive des comités d’entreprise qui de fait ont déjà disparu du langage social, mais ont aussi disparu physiquement dans certaines entreprises depuis la promulgation de la loi CSE (comité social et économique). Voilà qui fait bien l’affaire des patrons. Ils se sont très longtemps opposés à la création des CE (ordonnances du 22 février 1945, loi du 16 mai 1946 proposée par Albert Cazier et décret du 27 juillet 1947) et à l’exercice des droits et prérogatives correspondantes. Puis, prenant acte de leur inscription durable dans le paysage social, ils ont tenté, et tentent périodiquement, d’en limiter ou dévoyer les missions et d’en modifier le fonctionnement.

La loi CSE (fusion des CE, DP, CHSCT dans une seule et unique structure) du gouvernement Macron vient donc satisfaire les aspirations du patronat qui en permanence depuis leur naissance, cherchait à entraver le fonctionnement de ces instances, cherchait à discréditer leur rôle, cherchait aussi à culpabiliser les élus vis à vis de leurs collègues, devant s’absenter de leur poste de travail pour assumer et assurer la responsabilité du mandat qui leur avait été confié. C’est ainsi d’ailleurs que fil du temps un certain nombre de ces représentants étant soumis à des remarques et pressions permanentes de leur voisinage de travail, de la hiérarchie, se sont tournés vers l’extérieur de l’entreprise pour assurer leurs missions en particulier dans le domaine social (vacances, voyages des enfants, du personnel, restauration, loisirs etc.) avec des solutions de facilités (chèques cadeaux, chèques vacances, chèques voyages, chèques restauration …) générant par la même l’individualisme, dénaturant même parfois la notion d’amélioration de bien-être social.

Bien évidemment il n’est pas question de jeter la pierre à ces élus qui ne l’oublions pas sont tous des bénévoles quoiqu’en pensent ou disent certains., même si indirectement ils se sont tirés « une balle dans le pied ». ils ont fait au mieux pour garder le rôle social des comités d’entreprises, permettant en particulier à des salariés et leurs enfants se situant en bas de l’échelle d’avoir si possible un peu de loisirs.

Avec cet amendement à la loi de finance sur la sécurité sociale quoique déclare l’auteur de cette proposition, Il est clair que ce sont les moyens financiers des CE qui sont spoliés, qui risquent de disparaître avec des conséquences non négligeables (telles : la participation pour les mutuelles ; l’aide aux études secondaires et supérieures. L’aide aux colonies de vacances, etc.) pour les salariés et leur famille. Par ailleurs des employeurs vont s’engouffrer dans cette brèche pour argumenter qu’ils ne peuvent pas augmenter les salaires du fait que le budget des CE est soumis à cotisations.