Jean-Claude Mailly (FO) : les contrats de travail ne peuvent pas être moins favorables que les accords collectifs

, par Michel DECAYEUX

le 03 juillet 2015 Usine nouvelle

Le secrétaire général de Force ouvrière (FO) a l’intention de participer au débat ouvert par le premier ministre lorsqu’il a commandé à Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail, un rapport sur la place des accords collectifs dans le droit social français.

"Nous ne sommes pas d’accord sur la composition de la commission Combrexelle, beaucoup trop monocolore, a expliqué Jean-Claude Mailly lors d’une rencontre organisée jeudi 2 juillet par Réalités du dialogue social. Nous avons donc réuni nos spécialistes et des juristes plutôt favorables à la hiérarchie des normes, et nous publierons à la rentrée un contre-rapport."

Il rappelle l’attachement de FO au principe de la hiérarchie des normes, qui veut que les accords collectifs ne peuvent pas être moins favorables aux salariés que les lois et règlements, tout comme les contrats de travail ne peuvent pas être moins favorables que les accords collectifs.

Inverser cette hiérarchie permet, par exemple, de négocier au niveau de l’entreprise un accord moins protecteur pour les salariés que l’accord de branche. Une demande récurrente du Medef, qui y voit une piste pour flexibiliser le marché du travail. Le gouvernement semble prêt à faire quelques pas dans cette direction.

"LE PRINCIPE DE HIERARCHIE DES NORMES DEJA ECORNE""

Le principe de la hiérarchie des normes a déjà été écorné par la loi sur les 35 heures et la loi Fillon de 2004", qui autorise, dans certains cas, un accord d’entreprise à être moins favorable qu’un accord de branche. C’est également le cas de la loi Macron, ajoute le leader de FO. Elle renforce la possibilité, pour un accord de maintien dans l’emploi (AME, signé en cas de difficultés économiques), de s’imposer au contrat de travail d’un salarié (en cas de refus, le licenciement ne sera plus économique).

"La lettre de mission envoyée à Jean-Denis Combrexelle, qui pose la question de la relation entre contrat de travail et accords collectifs, m’inquiète, ajoute le patron de FO. L’accord collectif n’a pas à s’imposer au contrat de travail. La dérogation à ce principe ne me dérange pas si elle est meilleure pour les salariés, mais c’est rarement le cas !"

"RENTRER DANS LE MOULE NEOLIBERAL"

Selon lui, "c’est la logique européenne libérale économiquement qui conduit partout à favoriser la négociation d’entreprise". La Troïka a exigé de la Grèce qu’elle renonce aux conventions collectives. "De quoi je me mêle ?" s’interroge le leader syndical, qui cite aussi le recul des accords collectifs au Portugal et en Espagne, sous la pression de l’Europe. "Ces questions font partie du débat Combrexelle. Que veut le gouvernement ? Rentrer dans ce moule néolibéral ou respecter le caractère de République sociale de la France ? Je ne comprends pas pourquoi Matignon et l’Elysée, qui sont parfaitement conscients de l’impact de la logique d’austérité, ne changent pas d’orientation économique." Jean-Claude Mailly entrouvre tout de même une fenêtre : "je ne dis pas qu’il ne faut rien bouger", finit-il par lâcher.