"Il faut une flexibilité plus grande du CDI, avec une période d’essai de deux à trois ans", estime Gérard Collomb

, par Michel DECAYEUX

le 18 novembre 2014 UN

Le sénateur-maire (PS) de Lyon, Gérard Collomb, chef de file des "réformateurs", propose un CDI doté d’une flexibilité plus forte en début de contrat. Faut-il réformer le marché du travail ?

Sur le marché du travail, il y a ceux qui sont à l’intérieur et ceux qui sont à l’extérieur. Les "insiders" sont relativement bien protégés, sauf quand, à cause des rigidités ou du manque de compétitivité, leur entreprise ferme ; les "outsiders", eux, souvent des jeunes, restent précaires. Il faut atténuer les différences. Et là, les approches sont multiples. Le prix Nobel d’économie Jean Tirole parle d’un contrat à statut unique avec une progressivité des droits. Gilbert Cette pense, lui, qu’il faut moins de législation nationale et des accords d’entreprises ou de branches pour prendre en compte la diversité des situations...

Que préconisez-vous comme piste de réforme ?

Sur le CDD, ce serait bien d’avoir une période plus ample. Pour le CDI, on pourrait imaginer plus de flexibilité au début du contrat. Le contrat serait signé avec une période d’essai de deux ou trois ans, par exemple, pour que l’entrepreneur évalue le salarié et l’évolution de l’activité. La sécurité augmenterait au fil du temps, avec des périodes de préavis rallongées, des indemnités plus conséquentes. La question, c’est celle de la flexisécurité. En France, contrairement aux pays scandinaves, nous n’avons pas un système de formation continue performant qui permette de rebondir. Les gens ne se projettent pas dans des entreprises différentes, des parcours variés… Il faut aussi une évolution pour que l’entreprise puisse licencier de manière pas forcément plus facile, mais plus contractuelle. Comme le rappelle la présidente du Conseil d’analyse économique, Agnès Benassy-Quéré, il ne coûte pas beaucoup plus cher de licencier en France, quand on compare aux autres grands pays. Le problème, ce sont les procédures qui s’éternisent. La rigidité vient de là.

Est-ce que la France est difficile, voire impossible à réformer ?

Oui et non. En réalité, il y a plusieurs France. Dans la métropole lyonnaise, il y a une population de jeunes, bien formés, qui ne se voient pas toute leur vie dans le même métier. Leur flexibilité n’est pas subie, car ils savent que la société change et qu’il faut être dans le mouvement et pas enfermé dans un statut. En revanche, il y a une France inquiète pour son avenir qui cherche à se protéger. La bonne approche consiste à sortir des grandes lois univoques et à s’adapter à la diversité des réalités socio-économiques. Sur le droit du travail, on pourrait mettre en œuvre un corpus national étroit mais garanti à tous et le reste se ferait via la négociation sociale, dans les branches ou dans les entreprises.

Est-ce que le gouvernement manque de pédagogie ?

Le problème du gouvernement, c’est que, globalement, il va dans la bonne direction, mais il y a toujours une mesure qui semble aller à l’inverse de ce qui a été fait. Par exemple sur la fiscalité, il y a le Cice, le Pacte de responsabilité, car le gouvernement a bien compris qu’il fallait redresser les marges des entreprises. Mais soudain, on imagine taxer l’excédent brut d’exploitation. Puis, certains députés parlent de modifier le Crédit impôt recherche. Les gens sont déboussolés. Pour rétablir la confiance, il faut une ligne stable.

Les patrons ont décrété une semaine de mobilisation qu’ils vont lancer, début décembre, à Lyon. Les soutenez-vous ?

Ils viennent de nouveau ici, comme l’an passé. Il faut leur dire qu’ils peuvent aussi aller ailleurs [rires], ils ne sont pas obligés de toujours venir à Lyon… C’est évidemment une position difficile pour moi, mais je comprends ce qu’ils disent. Les patrons se demandent si le gouvernement ne va pas changer de pied. J’entends d’autant mieux que le même problème se pose pour les collectivités locales.