La préretraite en or de Roche

, par Michel DECAYEUX

05 septembre 2013 Miroir social

À partir de 55 ans, quel que soit le nombre de trimestres validés, tous les visiteurs médicaux de Roche se voient proposer une préretraite avec 100 % de leur salaire. Certains bénéficient même d’une offre plus avantageuse. Difficile de trouver mieux sur le marché du départ volontaire. Quel est le retour sur investissement d’un tel dispositif qui fait quelques frustrés ?

La direction française du groupe pharmaceutique Roche finalise avec les syndicats les modalités du nouveau plan de départs volontaires qui repose essentiellement sur une mesure d’âge. Les 32 visiteurs médicaux de plus de 55 ans vont se voir proposer une préretraite en conservant 100 % de leur salaire de base et la moyenne annuelle du variable perçue sur les trois dernières années. Peu importe qu’un commercial soit à 10 ans d’une retraite à taux plein, la direction finance le temps nécessaire.

En fonction de leur nombre de trimestres et de leur niveau de salaire, les volontaires peuvent en outre opter pour une préretraite à 82 % du salaire mais en empochant l’équivalent de leur indemnité légale de licenciement. Les deux options font l’objet d’une simulation financière personnalisée servie sur un plateau.

Tout est vraiment fait pour attirer le maximum de volontaires dans le cadre de cette restructuration de la force de vente. Il y a 2 ans, 67 visiteurs médicaux de plus de 55 ans étaient alors partis dans les mêmes conditions. À l’époque, ceux âgés de 54 ans et quelques mois avaient eu de quoi nourrir une certaine frustration de ne pas être éligibles à cette mesure de départ dictée par l’âge. Ce nouveau plan de départs leur donne l’occasion de prendre leur tour tandis que de nouveaux frustrés attendront la prochaine restructuration. « Le climat est anxiogène pour ceux qui restent car le métier est à réinventer », souligne un délégué syndical central et qui, à 58 ans, est en préretraite depuis 2 ans. Pas courant de voir qu’un délégué syndical en cessation d’activité continue à négocier.

Ces conditions de départs anticipés à la retraite ne se retrouvent pas chez Sanofi où, en 2008 par exemple, il fallait avoir 55 ans et être, au maximum, à 8 ans d’une retraite à taux plein pour partir en préretraite. Pendant les 7 premières années de « portage », Sanofi versait 70 % du salaire, puis cela baissait à 60 % la 8ème année. Des conditions déjà plutôt favorables mais contraintes par le nombre beaucoup plus important de postes supprimés que chez Roche Retour sur investissement Les syndicats ne se leurrent pas sur les modalités du retour sur investissement associé aux conditions très privilégiées de cette préretraite. Pour le délégué qui table sur une opération permettant au groupe pharmaceutique un retour sur investissement en 2 ans, « il y a un raisonnement comptable derrière l’image socialement propre du dispositif ». Il ne faut pas perdre de vue qu’un laboratoire pharmaceutique entretient des relations étroites avec le Ministère de la Santé. « Il est impensable pour un laboratoire pharmaceutique responsable de négocier avec l’État le prix des médicaments tout en procédant à des licenciements secs. Il est en grande partie là, le retour sur investissement d’une telle préretraite », considère la déléguée syndicale centrale d’un autresyndicat de Roche France. Le prix de la responsabilité sociale d’un groupe qui passe commande auprès de l’État… Reste que le coût de cette préretraite n’est pas financé que par les bénéfices. Les plans d’économie pour ceux qui restent, tant au niveau de la politique salariale que des budgets de fonctionnement, en sont aussi les conséquences.

À défaut de contribuer à la valorisation de l’activité des seniors, puisque le commercial de plus de 55 ans n’existe quasiment plus chez Roche en France, cette préretraite a au moins le mérite de pas gonfler le nombre des chômeurs. Mais, aussi intéressante puisse-t-elle être, comme sur chaque plan, quelques rares commerciaux de plus de 55 ans ne prendront pas la direction de la cessation d’activité. Notamment ceux ayant encore de lourds crédits en cours et qui ne sont pas prêts à faire une croix sur les éléments de rémunération indirecte, avec en première place, la voiture de fonction. Voilà en effet un avantage en nature que le préretraité de Roche ne peut tout de même pas conserver…