Dégradation du climat social dans les entreprises, surtout chez les ouvriers

, par Michel DECAYEUX

15/12 Les échos

Un sondage de BVA pointe une montée des tensions sociales dans les entreprises. Malgré la crise, les salariés en poste compteraient sur des augmentations salariales. Le baromètre de bien-être au travail de l’institut, dont c’est la deuxième édition, est en baisse, surtout pour les ouvriers Ce n’est pas parce que peu de salariés ont répondu aux récents appels syndicaux à battre le pavé que le climat social est au beau fixe. A l’automne 2010, la réforme des retraites et son lot de cortèges historiques occupaient le devant de la scène. La contestation était visible et centrée sur des thématiques générales voire sociétales. Cette fois-ci, c’est dans les entreprises que les signaux d’alerte s’allument, montre un sondage sur le climat social réalisé par BVA auprès de 1.857 salariés d’entreprises de plus de 200 salariés, du privé et du secteur public, publié aujourd’hui dans « Les Echos ». Le contexte de crise est bien identifié par les salariés, montre l’enquête : 78 % des personnes pensent que la crise financière a déjà eu ou aura un impact sur leur entreprise. Ce constat provoque un retournement total du sentiment d’employabilité : deux salariés sur trois déclarent qu’en cas de perte de leur emploi il leur serait très difficile de retrouver un emploi équivalent, contre 46 % seulement en février. Un retournement encore plus radical qu’à la fin de 2008.

Le management à l’épreuve Pour autant, les salariés en poste craignent moins de perdre leur emploi qu’à cette époque : 73 % l’affirment, contre 62 % en février 2009. Sans doute le fait que l’essentiel de l’ajustement de l’emploi se soit fait sur les contrats précaires il y a trois ans joue-t-il. Autre fait notable : la crise n’est pas encore synonyme d’austérité salariale selon les interrogés. 38 % croient qu’ils seront augmentés en 2012, un point de plus qu’en février 2010. Ce « contexte schizophrénique produit déjà des effets impressionnants » sur l’indice barométrique de « bien-être et de satisfaction des salariés au travail », publié pour la seconde année d’affilée par BVA, souligne l’institut. Cet indice qui mesure la satisfaction au travail des salariés dans cinq dimensions : management, intérêt pour le travail, lien à l’entreprise, pression ressentie, rapports avec les collègues, a baissé de 4 points, à 60. Seul l’indicateur sur la pression ressentie varie en sens inverse, sans doute du fait du ralentissement de l’activité. La baisse du bien-être s’observe dans toutes les catégories, mais elle est plus marquée chez les ouvriers. « L’écart avec les cadres est désormais d’une dizaine de points sur la plupart des dimensions de la satisfaction au travail », note Céline Bracq, directrice adjointe de BVA Opinion. La dimension management est la plus touchée, et en particulier la question de la clarté de la stratégie de leur entreprise, qui chute de 13 points chez les ouvriers, les plus éloignés des centres de décision, ainsi que la perception de l’égalité de traitement. Cette évolution est à replacer dans un contexte plus large : celui de la forte croissance de la défiance des ouvriers vis-à-vis des institutions. « La direction, qui incarne l’autorité dans l’entreprise, paie aussi les pots cassés de la crise qui repart », souligne Céline Bracq.