Prison requise dans l’affaire du CE de l’usine Saint-Gobain de Thourotte

, par Michel DECAYEUX

le 14.12.2011 Le Parisien

Ils étaient quatre dès hier matin, et jusqu’à fort tard hier soir, à comparaître au tribunal correctionnel de Compiègne (60) pour ce qui, au fil des années, est devenu l’affaire Saint-Gobain. Une somme de 600000 € a disparu des caisses du comité d’établissement de Saint-Gobain Bâtiment à Thourotte, au cours de malversations qui s’étalent sur dix ans

Léone Romain, 60 ans, Jean-Claude Patron, 66 ans, Laurent Papon, 43 ans, et Patrick Graux, 60 ans, se sont présentés à la barre à divers titres. Respectivement ex-secrétaire salariée du CE, anciens secrétaires élus de ce même CE et employé d’un cabinet d’expertise-comptable, tous avaient à répondre à cette question majeure : où est passé l’argent ?

« Car détournement de fonds il y a eu, c’est incontestable », dit la présidente du tribunal. Les explications divergent. Jean-Claude Patron : « Je conteste mon implication. » Laurent Papon : « Je conteste de façon véhémente être impliqué dans ces détournements. » Patrick Graux : « J’ai avoué des maladresses, mais je ne reconnais pas de faute pénale. » Enfin, Léone Romain assène : « J’ai été contrainte de commettre ces actes. » Des actes qu’elle veut bien reconnaître, mais tout en assurant n’en être pas l’instigatrice.

Hier à la barre, c’est vers elle que se tend toute l’attention, elle sur qui plane le plus de soupçons. Léone Romain dit : « J’ai agi sur ordre, des extraits de compte étaient faux, Laurent Papon manipulait les chiffres. » Pourtant, la présidente révèle que des sommes conséquentes, parfois supérieures à 60000 € comme en 2003, et d’un total de 261000 €, parvenaient sur son compte en banque personnel, émanant du CE. Léone Romain : « On me confiait des tâches pour la mutuelle de Chantereine, pour la CGT. C’est pourquoi je gagnais plus ! »

Délibéré rendu le 6 mars

Pourtant, des signes tangibles d’enrichissement apparaissent depuis les années 1990. D’abord en surendettement, Léone Romain se paie bientôt des voyages au Canada, au Maroc, aux Antilles, en Italie. Sans pour cela avouer qu’elle utilisait les fonds du CE. Un enrichissement visible, beaucoup moins remarqué chez Laurent Papon (3439 € versés par le CE en plusieurs fois sur son compte pour des « remboursements de frais »), et inexistant chez Jean-Claude Patron (quelques dizaines d’euros pour le remboursement d’un plein d’essence), au dire même de la présidente.

Laurent Papon reconnaît juste qu’il « aurait dû être plus vigilant sur la comptabilité dont il avait la charge », mais affirme n’avoir « jamais pris d’argent dans les caisses de la cantine ». Car les infractions commises proviennent de deux sources : la tenue des comptes de la restauration de l’usine par le CE et les sommes qui n’ont pu être remboursées aux retraités inscrits pour un voyage organisé qui avait dû être annulé. Ce qui a généré des paiements en liquide, d’où une plus grande facilité de faire circuler l’argent de façon illicite.

Hier soir, alors que les avocats de la défense s’évertuaient à faire relaxer leurs clients, la procureure de la République, Ulrika Delaunay-Weiss, a requis deux ans de prison, dont dix-huit mois avec sursis et 15000 € d’amende contre Léone Romain, un mois de prison avec sursis et 1000 € d’amende contre Laurent Papon et Jean-Claude Patron, et la relaxe pour Patrick Graux. Le jugement a été placé en délibéré. Il sera rendu le 6 mars.

COMPIÈGNE, PALAIS DE JUSTICE, HIER, 8H30. Autour de Jean-Claude Patron (ici au côté de son avocate) et des autres prévenus,