Loi travail : 22, revoilà le 49-3 !

, par Michel DECAYEUX

le 06 juillet Le parisien/AFP etc.

Le nouvel épisode du feuilleton loi Travail ne comportait pas une once de suspense. Personne n’a été surpris, hier, lorsque Manuel Valls a dégainé pour la deuxième fois l’arme fatale du 49-3 pour faire passer le texte sans vote en nouvelle lecture à l’Assemblée. « Je crois qu’il faut arrêter de jouer », avait asséné le Premier ministre le matin même aux députés PS, annonçant la couleur lors d’une réunion extrêmement tendue. Le député hollandais Olivier Faure pensait pourtant avoir trouvé une sortie de crise en proposant un amendement pour maintenir la rémunération des heures sup, soutenu par les frondeurs. Rejeté ! « Cela constituait une atteinte à la philosophie du texte », tranche Matignon.

La réplique de Valls devant les députés socialistes fut, cinglante : « Ce que vous appelez un compromis, j’appelle ça une compromission. Je ne lâcherai pas la CFDT. » Le Premier ministre tient mordicus à l’accord passé avec Laurent Berger. Pas question de braquer ce précieux allié, patron du « syndicat » réformiste. « Berger, il ne faut pas lui faire porter un chapeau trop grand pour lui... » nuance un député hollandais.

En réalité, au sommet de l’Etat, on s’était résigné depuis longtemps à en passer par le 49-3.

Le gouvernement n’a jamais envisagé de toper avec la CGT. « On n’a jamais imaginé pouvoir les ramener dans notre giron », lâche un ministre. Autant donc ne pas dénaturer le texte ! « Valls est incapable d’entendre la sincérité des autres », déplore le chef des frondeurs, Christian Paul, qui jure que le projet de loi aurait été voté sans 49-3 en cas d’accord sur les heures supplémentaires. C’était sans compter sur « la raideur et l’intransigeance » de Valls, comme le déplorent de nombreux élus de la majorité. Le Premier ministre serait-il le seul responsable de cet accès d’autoritarisme ? « Le président de la République et lui sont sur la même longueur d’onde », fait valoir l’entourage de Valls. Un poids lourd du gouvernement confirme : « Il n’y a pas une feuille de papier entre eux. » Juste une répartition équilibrée des rôles...

Commentaire : Effectivement le Premier Ministre n’a pas laissé une once de suspense sur le devenir de la loi travail. Avec autoritarisme comme on a pu le constater ces dernières semaines, il a décidé d’appliquer sa loi travail contre vents et marées et ce malgré les manifestations, les grèves, les sondages d’opinions très défavorable etc.). Sous d’autres horizons ou en d’autres temps on pourrait assimiler cela à de la dictature.

Et l’aveu ! On s’en doutait : « ne pas lâcher la CFDT, ne pas lâcher Berger précieux alliés » pour lui mais aussi précieux alliés des patrons puisque Pierre Gattaz a déclaré suite à la décision de Valls : « l’article 2 reste de même que les dispositions pour les heures supplémentaires ».

Le premier ministre a fait un peu de cinéma médiatique en recevant les organisations syndicales après ses velléités d’interdiction de manifestations, mais il savait avant de les recevoir qu’il ne dérogerait pas à son objectif quoiqu’il arrive : passer en force sa loi avec le 49-3 . Il est vrai, lui qui se réclame d’une obédience au sein de son parti politique, a eu un mentor qui lui aussi lorsqu’il a été Premier Ministre a utilisé 28 fois le 49-3. en particulier sur la CSG et dont le porte parole du gouvernement Stéphane Le Foll a profité de la triste occasion de la disparition de ce dernier pour faire un parallèle entre l’utilisation de ce dit article par Michel Rocard à cette époque et aujourd’hui le projet de loi travail.

Tout en respectant cette ancien Premier Ministre qui vient de disparaître, adepte de la transition des forces politiques et syndicales vers l’économie de marché avec une vision utopique de l’autogestion,, on a pu constater qu’au cours des hommages qui lui ont été rendus par la nation, par différents responsables politiques, un hommage particulier lui a été rendu par l’ancien Secrétaire Général de la CFDT Edmond MAIRE (qui fût dans les années 1964 -1971 secrétaire de la fédération Chimie CFDT) .

On peut comprendre cet hommage : même engagement politique, mais surtout après 1981 et l’arrivée de Mitterrand au pouvoir, même vision d’adaptation à l’économie de marché, même vision de la gestion des entreprises, même vision dans l’intégration à la gestion des entreprises, certes un peu différent de l’autogestion que le leader CFDT clamait ou réclamait à corps et à cris en 1968 afin d’aboutir à une « société socialiste moderne autogérée ». On comprend donc aussi facilement ce jour, le pourquoi de la position du Premier Ministre Valls par rapport à la CFDT et le soutien indéfectible de celle-ci en réciprocité, c’est l’héritage du passé. Ce qui laisse à penser que la CFDT n’est plus un syndicat mais plutôt un mouvement cogestionnaire des politiques gouvernementales et patronales.

il faudra 127 décrets d’application pour l’entrée en vigueur

Certaines dispositions de la loi Travail entreront en vigueur dès la promulgation de la loi, c’est-à-dire début août, mais nombreuses seront celles à nécessiter un décret. S’il fallait être plus précis, ce nombre s’approcherait de 127, selon une source proche de la ministre du Travail, Myriam El Khomri. "On se met en ordre de bataille pour sortir les décrets au plus vite. On a déjà commencé à travailler sur les décrets", commente cette même source. Leur rédaction suppose de nouvelles concertations avec les partenaires sociaux et des instances spécifiques comme le Haut conseil du dialogue social, la Commission nationale de la négociation collective, le Conseil supérieur de la prud’homie ou le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle.

Nouvelles règles sur les licenciements économiques applicables le 1er décembre

Certaines dispositions de la loi El Khomri - plus de deux cents pages tout de même - entreront en application à certaines dates spécifiques. Il en va ainsi des nouveaux critères pour légitimer un licenciement économique (chute du chiffre d’affaires sur un certain nombre de trimestres). Ces critères seront applicables à compter du 1er décembre 2016 pour les nouveaux contentieux. De même, c’est le 1er janvier 2017 que s’appliquera la règle de "l’accord majoritaire à 50%" pour valider un accord d’entreprise. Ce qui signifie que, à compter de cette date, un nouvel accord d’entreprise sur le temps de travail ne serait valide que s’il a été signé par un ou des syndicats ayant obtenu au moins 50% des voix lors des dernières élections professionnelles. Auparavant un accord signé par un ou des syndicats ayant obtenu 30% des vois était valable si des syndicats représentant 50% des voix ne faisaient pas jouer leur "droit d’opposition".

Adoption définitive le 20 juillet

De son côté, le ministère assure que ce texte, sur lequel le gouvernement a dû engager à deux reprises sa responsabilité à l’Assemblée, faute de majorité, "sera bien en œuvre avant la prochaine élection présidentielle" de 2017.