CLAIROIX Déménagement à la hussarde chez Continental

, par Christine BORDERIAS-SOLER

Au mépris de ses engagements, l’équipementier automobile commence à vider le site de ses moules à pneus, au profit de ses usines de l’étranger. Les syndicats demandent à la justice d’interdire ces transferts, dont le rythme s’accélère.

Pressé d’en finir avec le site de Clairoix, Continental vient de commencer à le vider, quitte à griller quelques étapes. Moins d’un mois après avoir annoncé la fermeture de l’usine de pneus (1120 salariés) pour 2010, l’équipementier automobile vient de sortir des ateliers les premiers moules à pneus, ces pièces en aluminium démontables, stratégiques pour la production. Quatre seraient déjà partis en Russie ; un en Allemagne. Une vingtaine doit quitter le site cette semaine ; 17 devraient partir la semaine prochaine, direction les usines du Brésil, de Russie et de Roumanie.

Parmi les pièces en partance, les fleurons du savoir-faire de Clairoix : des moules de 15 et 16 pouces, ces pneus très demandés sur le marché. Leur déménagement reviendrait à diminuer la production du site de 200 000 pneus. « On avait entre 1 000 et 1 100 moules à Clairoix ; il doit nous en rester 800, s’indigne Stéphane Bacquet, délégué syndical CFE/CGC. La direction vide tous les produits stratégiques et ne nous laisse que des rossignols. Autrement dit, rien qui puisse nous être utile quand il faudra négocier ».

La direction assignée en référé devant le tribunal Avec ce déménagement à la hussarde, le géant du pneu ignore délibérément la procédure juridique en cours (le 21 avril, le tribunal de grande instance de Sarreguemines dira s’il annule la procédure du plan social). Il s’assied surtout sur son engagement pris devant l’intersyndicale FO/CGC/CFDT/CFTC/CGT, le 17 mars dernier. « Dans le texte que nous avons signé, résume Stéphane Bacquet, la direction s’engage à ne pas sortir de matériel de l’usine sans avoir consulté les organisations syndicales. » Curieusement, les négociations, réclamées par l’intersyndicale pour mieux verrouiller cet accord, ont tourné court, lundi soir, malgré la médiation de l’inspecteur du travail. Analyse de l’intersyndicale : « La direction a suspendu les discussions parce qu’elle va chercher à sortir des moules et du matériel. »

Dans l’urgence, hier après-midi, la CGT, la CFDT, FO et la CFE/CGC ont mandaté un avocat pour assigner la direction en référé d’heure à heure, devant le tribunal de grande instance de Compiègne. Cette requête sera examinée ce mercredi après-midi, à 14 heures. « Nous demandons au tribunal d’interdire à la société de sortir les moules de l’usine, indique Gaétane Carlus, du cabinet JDS avocats. Elle est en violation avec deux accords qu’elle a signés ».

Un détail démontre que l’équipementier ne fera pas de sentiments pour fermer l’usine : ce sont les salariés eux-mêmes qui démontent et préparent les moules en partance pour l’étranger. Un crève-coeur, pour les ouvriers de l’atelier central, dénoncé par la CFDT. « Les gars doivent démonter ces moules et voient bien, sur les papiers de douane, que certains partent pour Timisoara, raconte Fabrice Queniez (CFDT). Comment vous voulez qu’ils le prennent ? Ils ont vraiment la rage ».

Le Courrier Picard 8.04.09