Coïncidence de jours fériés : la convention collective peut prévoir une compensation

, par Michel DECAYEUX

Cass. soc., 30 novembre 2010, nos 09-42.990 et 09-69.329 FS-PB

Par deux arrêts du 30 novembre, la Cour de cassation confirme qu’en cas de coïncidence de date entre deux jours fériés la convention collective peut contraindre l’employeur à accorder aux salariés un repos ou une indemnisation supplémentaire. Ces deux décisions confortent les préconisations émises par la DGT en 2008 (v. Bref social n° 15068 du 29 février 2008).

Absence de compensation prévue par la loi

Les deux affaires soumises à la Cour de cassation concernaient la coïncidence, en 2008, du 1er mai et du jeudi de l’Ascension. La loi ne prévoit pas de dispositions particulières lorsqu’une telle situation se présente. Il faut donc appliquer les dispositions classiques issues de la loi sur la mensualisation. Ainsi, si ces jours sont chômés, le salarié a seulement droit au maintien de son salaire pour la journée considérée, à condition de remplir les conditions posées par l’article L. 3133-3 du Code du travail (trois mois d’ancienneté, 200 heures de travail accomplies au cours des deux mois précédents, présence le jour précédent et le jour suivant le jour férié).

Si ces jours sont travaillés du fait d’une dérogation obtenue pour le 1er mai, le salarié a droit au paiement doublé de la journée correspondant au 1er mai (C. trav., art. L. 3133-6). Mais il n’a pas à percevoir d’indemnisation supplémentaire au titre du travail, le même jour, du jeudi de l’Ascension.

En d’autres termes, à s’en tenir à la loi, les salariés perdent le bénéfice d’un jour férié. Mais la convention collective applicable peut changer la donne.

Les deux jours fériés sont chômés Dans la première affaire (n° 09-42.990), le 1er mai et le jeudi de l’Ascension n’avaient pas été travaillés dans l’entreprise. Appliquant la loi, l’employeur avait donc seulement maintenu le salaire pour cette journée. Une salariée estimant néanmoins avoir perdu le bénéfice d’un jour de repos, réclamait en justice le paiement d’une journée supplémentaire, en s’appuyant sur les dispositions de la convention collective applicable (CCN de la fabrication du verre à la main, art. 31). Cette dernière n’envisageait pas directement l’hypothèse d’une coïncidence de dates, mais garantissait néanmoins le chômage et le paiement de tous les jours fériés dont le jeudi de l’Ascension, ceci en plus du paiement du 1er mai.

La Cour de cassation en a déduit que la salariée avait droit au paiement de onze jours fériés. Elle pouvait donc prétendre « au respect de ce nombre de jours lorsque deux fêtes chômées coïncidaient un même jour, et devait recevoir l’indemnisation correspondant au jeudi de l’Ascension dont elle avait été privée ».

La Cour confirme ainsi une jurisprudence antérieure (Cass. soc., 21 juin 2005, n° 03-17.412) et conforte la solution préconisée en 2008 par la Direction générale du travail : lorsque deux jours fériés chômés tombent le même jour, et que la convention collective prévoit le chômage des onze jours fériés annuels ou tout au moins du jeudi de l’Ascension, les salariés absents le 1er mai au titre de la fête du travail doivent bénéficier d’un jour de repos supplémentaire dans l’année au titre du jeudi de l’Ascension et, à défaut, d’une indemnisation.

Les jours fériés sont travaillés

Dans la seconde affaire (n° 09-69.329), le 1er mai était travaillé dans l’entreprise, en vertu d’une dérogation prévue par la loi lorsque la nature de l’activité ne permet pas une interruption du travail (C. trav., art. L. 3133-6). Du fait de la coïncidence de dates, le jeudi de l’Ascension avait également été travaillé et deux salariés réclamaient à ce titre le paiement d’une indemnité correspondant à un jour de repos supplémentaire. La CCN des activités du déchet applicable n’envisage pas non plus ce cas de figure, mais prévoit que, de manière générale, les salariés ont droit, en plus du congé annuel, à un nombre de jours de congés payés correspondant aux fêtes légales et énumère ensuite 11 jours de fêtes légales, avec la précision que le personnel ayant travaillé tout ou partie de l’un de ces jours bénéficiera soit d’un repos payé, soit d’une indemnité correspondant au salaire équivalent (art. 2-20).

La Cour de cassation en a déduit que les salariés étaient fondés à prétendre à 11 jours de congés payés au titre des fêtes légales, peu important que deux fêtes tombent le même jour. Les salariés avaient donc bien droit pour le travail du jeudi de l’Ascension, à un jour de repos ou à une indemnisation équivalente au salaire. La DGT avait également tranché en ce sens en 2008 : lorsque la convention collective prévoit une majoration de salaire ou un repos compensateur pour tout travail d’un jour férié, le salarié a droit à deux jours de repos ou deux indemnités compensatrices.