AMIENS Les produits toxiques mènent Goodyear au tribunal

, par Michel DECAYEUX

Le courrier Picard 08 Décembre 2010

La direction de Goodyear est convoquée ce matin devant le tribunal correctionnel. Il lui est reproché un défaut d’information des salariés sur l’exposition aux hydrocarbures aromatisés polycycliques , reconnus cancérigènes.

Le dossier est aussi sensible que complexe. Des ouvriers de Goodyear ont déclaré des cancers. Au fil du temps, et même si établir précisément un lien entre la maladie et un agent toxique est compliqué, l’utilisation par l’industrie du pneu d’hydrocarbures aromatisés polycycliques (HAP) est clairement pointée du doigt.

Mickaël Wamen a déposé plainte comme salarié et délégué du comité d’entreprise (CGT). D’où l’audience de ce matin, au tribunal correctionnel d’Amiens. « Je reproche à la direction de ne pas informer sur les expositions aux produits dangereux. Les responsables qui se sont succédé savaient la dangerosité, pour nous et nos familles. Ils ne l’ont pas dit ».

Il attaque sur quatre points : non respect du décret nº2001-97 du 1er février 2001 ; non information portant sur la sécurité ; mise en danger de la vie d’autrui et homicide involontaire. « Aucun système de protection collectif et individuel, aucune liste de produits dangereux utilisés... Goodyear doit être reconnu coupable et payer. Ras-le-bol d’entendre chaque mois que deux, trois collègues sont morts d’un cancer », s’insurge Mickaël Wamen.

Le parquet a retenu le défaut d’informations. Ce qui va très bien à Mickaël Wamen. « C’est la clef de tout ! Si la direction s’est manquée là-dessus, elle s’est manquée sur toute la sécurité. Elle est donc responsable de toutes les conséquences ». Là où dans le passé la loi se contentait d’une information collective sur le lieu de travail, le décret de 2001 a exigé (entre autres) de l’employeur que chaque salarié et ex-salarié reçoive une attestation d’exposition individuelle nominative.

« Des collègues malades seront là » Sollicités par nos soins, la direction Goodyear rejette « toutes accusations de violation des règles de sécurité et d’hygiène », dixit Christian Quintard, directeur des ressources humaines. La direction admet un manque au moment de l’assignation, en 2007, que ce soit sur les fiches disposées sur les postes de travail ou sur les attestations. « Ce manque est le seul reproche retenu par le tribunal », relativise Christian Quintard. Il assure qu’à ce jour les fiches sur les postes sont complètes, « et il reste quelques attestations concernant des ex-salariés que nous avons du mal à localiser. C’est compliqué. Il faut établir une traçabilité de chaque salarié. Les postes occupés, pour ceux en place et ceux qui sont partis ».

Les expositions ? « Des investissements ont été faits et sont en cour. Depuis le 1er janvier 2010, conformément à la législation européenne, nous n’utilisons plus ces substances, répond le DRH, Nous sommes clairs. On a toujours été dans les clous au niveau de la réglementation et en deçà des normes ».

Ces déclarations agacent Mickaël Wamen. Là où sa direction semble relativiser l’audience du jour, lui y voit l’ouverture complète du dossier des HAP/CMR par la justice. « Par ce manquement à la sécurité, la justice peut retracer tout l’historique et mettre en évidence que Goodyear est passé au travers de la sécurité de ses salariés ». Première réponse ce matin, « des collègues malades seront là » prévient le secrétaire du CE.