Les retraites, le COR et les 2 600 milliards d’Eric Woerth

, par Michel DECAYEUX

Le Monde | 22.04.10

En détaillant ce que pourraient être les besoins de financement des retraites en France en 2050, Raphaël Hadas-Lebel, le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), prit soin d’expliquer l’intérêt et les limites de chiffrages qui reposent sur un certain nombre d’hypothèses démographiques, économiques et réglementaires. "Les projections du COR ont un degré de précision différent selon l’horizon temporel choisi : court (2010-2015), moyen (2015-2020) et long terme (2020-2050)", fit observer, le 14 avril, le président de cette instance où se côtoient des experts, des parlementaires et les partenaires sociaux.

Pour 2015, le COR prévoit un besoin de financement d’une quarantaine de milliards, soit dix de plus qu’aujourd’hui. En 2020, il se creuserait encore de 2,4 à 8,5 milliards selon les cas. Exprimées en part de produit intérieur brut (PIB), ces prévisions permettent surtout de mesurer l’impact de la crise. En 2007, avant la récession, le COR évaluait le besoin de financement des retraites à 1 point de PIB en 2020. Trois ans plus tard, il l’a nettement révisé à la hausse (de 1,7 point de PIB à 2,1 selon les cas). De 2020 à 2050, s’étend un horizon de long terme pour lequel les prévisions n’ont pas, a prévenu M. Hadas-Lebel, "le même degré de certitude".

Plus on s’éloigne dans le temps, plus les projections financières sont spectaculaires. Le ministre du travail, Eric Woerth, avait cité, le 13 avril au soir, le chiffre de 2 600 milliards d’euros de déficit cumulé. Las ! Ce chiffre, imputé à tort au COR par Le Monde, était faux : il s’appuyait en réalité sur les prévisions du Conseil d’avant la récession

Dûment réajustés, les besoins de financement cumulés des retraites sur la période 2008-2050 oscilleraient, nous dit le COR, entre 77,3 % et 118,2 % du PIB. Soit des sommes allant de plus de 3 400 à plus de 5 300 milliards. M. Woerth était loin du compte ! Encore faudrait-il rapporter ces chiffres aux "120 000 milliards d’euros" de richesses créées dans le même temps, fit remarquer dans les colonnes du Journal du dimanche (JDD), le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault. Dont acte.

Prenons donc ces chiffres pour ce qu’ils sont. Leur intérêt principal ? Ils donnent une idée de l’impasse dans laquelle se trouveraient les finances publiques en l’absence de réforme. Au-delà de la valse des milliers de milliards, mieux vaut s’en tenir au diagnostic du COR partagé notamment par les sept syndicats représentés au Conseil : le retour du plein-emploi ne permettra pas, à lui seul, de financer les retraites. Ni en 2015, ni en 2020, ni en 2050.