Assurance-chômage : l’État reprend la main, les gros salaires ciblés

, par Michel DECAYEUX

25/02/2019 Reuters/AFP

La réforme de l’assurance-chômage sera présentée "au printemps" et comprendra des mesures visant à revoir les règles d’indemnisation pour les salariés à rémunérations élevées, a annoncé ce mardi 26 février Édouard Philippe. Il a par ailleurs laissé encore ouverte la porte du bonus-malus sur les contrats courts, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, demandée par les syndicats mais vivement contestée par le patronat.

Une réforme de l’assurance-chômage présentée au printemps luttera contre le recours abusif aux contrats courts et corrigera le système permettant aux salariés les mieux payés de percevoir une indemnisation très supérieure à ce qu’elle est ailleurs en Europe, a annoncé ce mardi 26 février le Premier ministre Édouard Philippe, lors d’une conférence de presse.

La future réforme conservera l’objectif d’économies qui avait été fixé aux partenaires sociaux, soit 3 à 3,9 milliards d’euros sur trois ans. « Je regrette évidemment très profondément qu’un accord n’ait pu être trouvé [entre les partenaires sociaux]. J’ai parfaitement conscience qu’il n’était pas facile d’obtenir cet accord, parce que c’est toujours difficile de remettre à l’endroit un système qui s’est constitué par une sédimentation de règles année après année », a-t-il dit. La ministre du Travail Muriel Pénicaud commencera dès cette semaine de larges consultations avec les partenaires sociaux. Elles seront suivies de la présentation des paramètres et mesures au printemps, puis de l’élaboration d’un décret pour une mise en œuvre à l’été.

Le bonus-malus est "sur la table" Edouard Philippe a reconnu que le système actuel ne permet pas de lutter efficacement contre le recours abusif aux contrats courts, souhaitant que les entreprises soient beaucoup plus responsabilisées sur cette question. Prié de dire si le bonus-malus refusé par le patronat serait mis en œuvre, il a répondu : « Personne ne nous a proposé à ce stade une meilleure solution que celle du bonus-malus, donc l’instrument est sur la table ». Cet instrument est techniquement délicat à mettre en œuvre mais, en l’absence d’alternative crédible, il est probablement le mieux à même de lutter contre les abus dénoncés par Emmanuel Macron, ont souligné des sources au sein de l’exécutif.

Vers une baisse du plafond des indemnités pour les cadres

S’agissant des salaires élevés, Edouard Philippe a indiqué qu’il fallait revoir le système permettant aux personnes percevant des salaires élevés d’avoir des niveaux d’indemnisation bien plus élevés qu’ailleurs en Europe . Ce vocabulaire montre que l’exécutif semble privilégier une baisse du plafond d’indemnisation maximale des cadres - qui est aujourd’hui fixé à 7.700 euros bruts mensuels -, à la création d’un dispositif controversé de dégressivité des indemnités. Mais, une source précise à Reuters que la dégressivité n’est pas totalement exclue du champ de possibilités et n’est pas forcément aussi toxique que ne le dénoncent certains économistes.

Dans une note publiée par l’institut de Sciences Politiques et l’OFCE, l’économiste Bruno Coquet estimait que « la dégressivité ralentirait les sorties du chômage et que cette taxe sur le chômage de longue durée a au mieux de faibles effets agrégés sur les dépenses de l’assurance chômage. » Seule une infime minorité des indemnisés (environ 0,03%, selon l’Unedic) atteignent le plafond actuel de quelque 7.700 euros bruts par mois.

La "permittence" remise en question

Les cas, minoritaires, dans lesquels il est plus rémunérateur d’être au chômage que de travailler doivent être corrigés, a encore déclaré Edouard Philippe. Dans la ligne de mire de l’exécutif, des modifications des règles d’indemnisation ces dernières années, qui ont rendu plus attractive la "permittence" - des allers-retours entre les périodes de travail et de chômage.

Pas de révision de la gouvernance de l’Unédic

Le Premier ministre a précisé que la question de la gouvernance de l’Unédic n’était pas dans le champ de la concertation à venir, de même qu’elle ne figurait pas dans la lettre de cadrage adressée aux partenaires sociaux avant leur négociation. « Nous ne posons pas la question de la gouvernance de l’Unédic », a-t-il dit, une déclaration qui signifie que l’exécutif ne prévoit pas de mettre un terme à la gestion par les partenaires sociaux de cet organisme qui gère l’assurance chômage.