Annick Girardin : « Un geste salarial serait un signal important pour les fonctionnaires »

, par Michel DECAYEUX

24 février 2016 Les échos

La nouvelle ministre de la fonction publique, Annick Girardin, a reçu la totalité des organisations syndicales mardi et mercredi. Elle dresse le bilan de ces entretiens.

Quels enseignements tirez-vous de vos rencontres avec les syndicats ?

Ces rencontres nous ont d’abord permis de faire connaissance, car nos chantiers ne vont pas manquer pour ces 15 prochains mois. Je leur ai fait part de ma volonté de dialogue. C’est la méthode que j’ai appliquée dans mes précédentes fonctions. Je vais continuer avec les partenaires naturels que sont les syndicats dans la fonction publique. Nous aurons des rendez-vous réguliers.

Ils sont tous demandeurs d’une hausse rapide des salaires…

Le rendez-vous salarial est pour eux une urgence, et j’en suis parfaitement consciente. Je leur ai donc garanti que cette négociation, qui devait se tenir à la fin du mois de février, ne serait pas renvoyée aux calendes grecques, comme cela a pu être perçu, mais qu’elle se tiendrait au mois de mars. Nous tenons les engagements pris dans le protocole sur les carrières, même si celui-ci n’a pas été approuvé par les syndicats réunissant 50 % des voix.

Où en est-on de la mise en œuvre de ce protocole ?

Nous allons maintenir le rythme qui était prévu, à savoir sortir les quelque 500 textes réglementaires à modifier avant la fin de cette année. Un effort de communication sur les nombreuses avancées qu’il comporte va aussi être fait vis-à-vis des fonctionnaires, qui en sont pour l’instant peu informés. D’ailleurs je cherche un moyen technique d’établir un contact direct avec chaque fonctionnaire.

La Cour des comptes avait estimé son coût global à 4 à 5 milliards d’euros …

Nous allons refaire un calcul définitif quand les dernières grilles seront finalisées, mais je ne conteste pas ces ordres de grandeur, qui n’évolueront qu’à la marge. Ce protocole représente un investissement majeur. Le deuxième pilier, à venir, portera sur la négociation salariale.Le protocole précisait que la négociation salariale dépendrait des conditions économiques, or celles-ci ne sont guère favorables.

Aurez vous de réelles marges de manœuvre ?

Je reste prudente. Oui, le contexte économique et budgétaire n’est objectivement pas favorable, avec notamment une inflation plus faible que prévu. Rien n’est décidé aujourd’hui.

Est-il possible que le point d’indice reste gelé ?

Je crois, au terme de mes premiers contacts avec les syndicats, que les fonctionnaires, qui ont beaucoup contribué à l’effort de redressement des finances publiques, ont un vrai besoin de reconnaissance. Si nous en avons la possibilité, un geste salarial, même symbolique, serait un signal important.

Quels sont les autres dossiers que vous comptez ouvrir d’ici au printemps 2017 ? Les sujets ne manquent pas. Il y a les chantiers déjà ouverts comme l‘amélioration de la santé au travail ou encore la loi déontologie. Le texte arrive en commission mixte paritaire le 29 mars. La version adoptée par le Sénat ne correspond pas au projet présenté par le gouvernement sur un certain nombre de points soulevés et inquiète à juste titre les syndicats. Je vais rencontrer les rapporteurs de ce texte à l’Assemblée et au Sénat pour en discuter. Le compte personnel d’activité qui va aussi bénéficier aux fonctionnaires mais qu’il faut adapter aux spécificités de la fonction publique est aussi un sujet majeur. Autres dossiers : les questions de l’égalité femme-homme, le projet de loi sur l’égalité réelle et la citoyenneté auquel nous allons contribuer, le développement de l’apprentissage, la mobilité professionnelle, ou la réforme de la formation professionnelle.

Comment allez-vous procéder plus précisément sur le CPA ?

J’ai conscience des interrogations et des attentes que suscite le CPA sur les questions de prévention de la pénibilité puisque dans la fonction publique, certains agents bénéficient de ce que l’on appelle le service actif qui leur permet d’anticiper leur départ en retraite. Nous allons ouvrir une concertation sur ce sujet du CPA avec les syndicats de fonctionnaires avec l’objectif d’aboutir dans les neuf mois. Son résultat sera traduit dans une ordonnance que la future loi Travail va nous autoriser à prendre.

Quel est le climat social aujourd’hui dans la fonction publique ?

La fonction publique a un rôle particulier à jouer dans notre société. On n’y rentre pas par hasard. C’est un engagement personnel au service de la communauté. Etant moi-même fonctionnaire je parle en connaissance de cause. Mais aujourd’hui, cette notion d’engagement est parfois mise à mal. Par ailleurs, nous devons mener une réflexion sur ce que doit être la fonction publique du 21ème siècle. Certaines organisations syndicales le demandent et je les rejoins sur cette nécessité. Parmi les enjeux, figurent la transition énergétique ou numérique , la nécessité de renforcer l’information des citoyens, de permettre plus de passerelles entre les trois versants de la fonction publique, mais aussi dans le privé ou d’ouvrir davantage les recrutements à la diversité.

Sous quelle forme ?

Un dialogue avec les organisations syndicales, bien sûr, mais pas seulement, les fonctionnaires également. Les autres ministères pourront y contribuer. Et je vais multiplier les rencontres avec les chercheurs. Je me donne un an pour boucler les travaux et proposer des mesures.

Où en est la mission sur le temps de travail confiée à Philippe Laurent ?

L’échéance n’a pas changé. Le dossier a été ouvert à l’automne, Philippe Laurent doit remettre son rapport au Premier ministre fin mars. Ce travail n’a pas pour objectif de revenir sur les 35 heures hebdomadaires.