L’Elysée invite des grands patrons mondiaux pour un « conseil stratégique de l’attractivité

, par Michel DECAYEUX

LE MONDE | 17.02.2014

Tout juste revenu des Etats-Unis, où il s’en était allé convaincre ses interlocuteurs des attraits de la France pour entreprendre, François Hollande veut enfoncer le clou. Le chef de l’Etat présidera, lundi 17 février, un « conseil stratégique de l’attractivité », réuni dans une configuration inédite.

En plus du président de la République, du premier ministre, de dix ministres et du président de l’Association des régions de France, trente-quatre dirigeants d’entreprise pesant à eux tous 850 milliards d’euros de chiffre d’affaires seront présents autour de la table. Les chefs d’entreprises invités représentent de grands groupes industriels comme Volvo, Bosch, Nestlé - qui pèsent plus de 850 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé sur les cinq continents - mais aussi des fonds d’investissement du Koweit, du Qatar et de Chine. Les présidents-directeurs généraux de Bosch, de Kingfisher ou de Nestlé ,du géant nippon du commerce en ligne Rakuten. L’enjeu de ce rendez-vous avait été résumé à l’issue du conseil des ministres du 14 février par Pierre Moscovici, ministre de l’économie : « C’est une réunion pour convaincre que la France est un pays où l’on peut investir, où il faut investir, qui est un pays attractif. »

Et le gouvernement a du pain sur la planche. Le 19 décembre 2013, une cinquantaine de chefs d’entreprise, tous dirigeants de filiales françaises de grands groupes étrangers, tiraient le signal d’alarme. Dans une tribune publiée par Les Echos, ils déclaraient avoir de plus en plus de difficultés à convaincre leurs maisons-mères d’investir en France. Pour Christophe de Maistre, président de Siemens France, signataire de ce texte, « chaque fois que nous sollicitons une demande d’investissement, cette dernière est évaluée, comparée aux propositions des autres entités du groupe, notamment en Europe. Il y a urgence à remonter vers notre maison-mère des signaux positifs sur l’Hexagone, car ce qui lui revient aux oreilles aujourd’hui est trop souvent pollué par le bruit médiatique de la presse anglo-saxonne ». SERVICE APRÈS-VENTE

Parfois, cette situation se traduit par des arbitrages défavorables à la France. C’est ce qu’a connu Cyril Titeux, président de Janssen, la division pharmaceutique du géant américain Johnson & Johnson. Il regrette que sa maison-mère n’ait pas choisi la France pour implanter l’un de ses centres d’innovation. Quatre sites ont été retenus en avril 2013 : Boston, San Francisco, Shanghaï et… Londres. « Nous ne sommes pas en compétition avec l’Inde ou la Chine, mais avec nos voisins – Suisse, Allemagne ou Royaume-Uni – qui ont su créer un environnement plus lisible et plus stable », explique M. Titeux. Tout l’enjeu du conseil stratégique de l’attractivité est donc de présenter le France sous son meilleur visage. L’exécutif fera le service après-vente des réformes engagées dans le cadre d’une politique économique plus résolument tournée vers l’offre et les entreprises : signature de l’accord national interprofessionnel (ANI), lancement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mesures de simplification et, bien sûr, le récent engagement présidentiel sur le « pacte de responsabilité », qui devrait se traduire par une baisse supplémentaire des charges pesant sur les entreprises. Les chefs d’entreprise, eux, sont invités à faire entendre leurs observations. Un exercice auquel M. de Maistre, avec quatre autres dirigeants de filiales françaises de multinationales, s’est déjà livré lors d’une rencontre avec le chef de l’Etat, le 4 février.

TROIS THÈMES DE DISCUSSION « Nous lui avons dit : “La France, deuxième économie européenne, possède nombre d’atouts dans son jeu : la démographie, ses infrastructures, un coût de l’énergie compétitif, des compétences dans les domaines d’avenir, une situation géostratégique favorable. Mais il ne faudrait pas que certains nœuds comme l’instabilité fiscale, les lourdeurs du dialogue social, le risque pénal pesant sur la tête des mandataires sociaux, agissent comme des repoussoirs” », résume aujourd’hui le patron de Siemens France. La plaidoirie semble avoir été entendue au regard du programme des échanges qui auront lieu lundi, où trois thèmes de discussion seront abordés. Le premier portera sur le marché français et son accessibilité. Sur ce point, et après l’affaire Dailymotion — au début de mai 2013, Yahoo ! avait renoncé à racheter le site de diffusion de vidéos sous la pression du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg —, la France aura du mal à redorer son blason. « Il est important de faire tomber les barrières, dit M. de Maistre. Ce qui compte, c’est la création de valeur ajoutée et d’emplois en France, et non la nationalité de celui qui les crée. » Le deuxième atelier portera sur la fiscalité et la réglementation en France. Le troisième thème devrait être consacré à la flexibilité du marché du travail. Reste à savoir si les annonces que ne manquera pas de faire le chef de l’Etat seront à la hauteur des attentes exprimées.

Les atouts de l’Hexagone... et ses faiblesses

Une main d’œuvre qualifiée

 : Selon, les patrons interrogés par EY, le niveau de qualification des employés est -, après là qualité de vie - le deuxième plus gros avantage de l’économie française. Ce qui donne des résultats, d’ailleurs, en termes de productivité. En moyenne, un Français produit 45,40 € par heure travaillée, c’est plus qu’un Allemand ’ (42,60) ou un Espagnol (31,50). Des locomotives dans le luxe et l’énergie : Qu’il s’agisse de LVMH (luxe), Total (énergie), Carrefour (distribution) ou Danone (agroalimentaire), un grand nombre d’entreprises du CAC 40 brillent au niveau mondial. Leur activité tire des pans entiers de l’économie française vers le haut –

Des infrastructures de qualité

 : Hôpitaux, transports, écoles ... La qualité des services publics est saluée par les investisseurs internationaux. Ainsi, les réseaux de transports. (11 000 krÎ1 d’autoroute, 30,000 km de lignes ferroviaires dont le deuxième réseau européen de ligne à grande vitesse permettent aux entreprises de transporter leurs collaborateurs et leurs marchandises en des temps records dans ’six pays de l’Union européenne. Autre exemple : la France est le cinquième pays’ de l’OCDE le mieux raccordé à l’Internet haut débit.

Des métropoles régionales

 : Paris n’est pas la France. Même en matière ’économique. L’existence de centres de recherches (universités ou écoles d’ingénieurs) et la .qualité de vie (météo, prix de l’immobilier, dynamisme, etc.) offerte par certaines agglomérations les mettent en bonne place dans la compétition européenne.

Une forte pression fiscale :

Attendu à 46,3 % du PIB en 2013,’ le taux de prélèvement ’obligatoire ¬qui mesure le poids des impôts, taxes et cotisations sociales dans l’économie ¬est l’un des plus élevés en Europe. Cette pression fiscale a fortement augmenté dé puis le début de la crise. Cela s’est traduit à la fois par une’ augmentation du taux des impôts existants et par une multiplication de nouveaux prélèvements. (surtaxœ de l’impôt sur les sociétés :

Un coût du travail élevé

 ; Selon les chiffres d’Eurostat dans le classement des pays européens où la main-d’œuvre et la plus chère, là France se classe cinquième’,(derrière la Suède, le Danemark, la Belgique et le Luxembourg). Le coût horaire moyen d’un employé français était de 34,20 € en 2012, contre 30,40 € en Allemagne ou encore 21,60 € au Royaume-Uni. Ce qui pèse particulièrement sur les charges des entreprises

Une instabilité législative

 : Répondant à une opinion publique en demande permanente de changements, les parlementaires ont multiplié les lois ces dernières années. Un empilement de nouvelles mesures qui, en fiscalité ou en droit du travail (code du travail), déboussole les acteurs économiques. Chaque changement ajoute un peu de complexités à des codes juridiques déjà forts lourds.

Un climat social

 : Les conflits sociaux assez durs qui ont défrayé la chronique ces dernières années ont fait naître l’idée dans la tête de certains investisseurs que la France .était en révolution permanente A cela s’ajoute un droit du travail français particulièrement complexe.

Commentaire Trop facile de dire un coût du travail élevé en France. Comparons ce coût avec ce que rapporte un salarié français à une entreprise, à ses actionnaires.

A Productivité par heure travaillée B Coût Horaire C Ce qui reste à l’entreprise

Français A 45,40 € B 34,20 € C 11,20€

Ratio =Ressources employées/Revenus obtenus 75.33 %

Allemand A 42.60 € B 30,40 € C 12,20 €

Ratio 71.36 %

Espagnol A 31.50 # B 21,60€ C 9,90 €

Ratio 68.57 %

Le taux de productivité des allemands est inférieur de 6,5 % à celui des français, quand à celui des espagnols il est de 30,65 % ce qui correspond à peu de chose près au coût de main d’œuvre qui est de - 36 % au coût d’une heure de travail française.

Si la productivité est supérieure en France que dans bien d’autres pays c’est peut être lié aux infrastructures de qualité, aux conditions de vie de qualité, obtenues au fil du temps par le combat qu’a mené la classe ouvrière par sa révolution permanente depuis plus d’un siècle et de ses représentants : les syndicats, en particulier ceux qui ont pérennisé la charte d’Amiens de 1906.

Alors arrêtons de chercher en permanence, à faire en sorte que les salariés français se culpabilisent dans cette course à la compétitivité, que ce livre les grands capitalistes de ce monde