Négociation emploi : l’accord est bouclé, trois signatures syndicales en vue

, par Michel DECAYEUX

11/01 | 23:53 les échos

La négociation sur la sécurisation de l’emploi s’est achevée à 22 h 30 vendredi soir sur un accord que devraient signer la CFDT, la CFTC et la CGC.

Démarrée le 4 octobre 2012, la négociation sur la sécurisation de l’emploi s’est achevée vendredi à près de 23 heures à l’issue d’une dixième séance de négociation qui aura duré deux jours. Les représentants des entreprises ont enfin abattu vendredi matin leurs cartes sur la taxation des emplois précaires. Après une première ouverture en fin de matinée, la discussion s’est terminée en fin d’après-midi sur un projet de texte qui devrait recueillir les signatures de trois syndicats : CFDT, CFTC et CGC.

La journée avait pourtant commencé sous de mauvais hospices. Alors qu’il avait promis un cinquième projet de texte à l’ouverture de la réunion, à 9 h 30, le patronat -dont les divisions internes étaient apparues au grand jour la veille au soir -a tergiversé encore plusieurs heures pour finir, à 11 he 30, par diffuser un texte enrichi d’un nouvel article 4.

Le patronat accepte le principe d’une taxation des CDD

Intitulé « majoration de la cotisation d’assurance-chômage des contrats à durée déterminée », il porte la cotisation patronale d’assurance-chômage de 4% à 7% pour les contrats d’une durée inférieure à un mois et à 5,5% pour les contrats d’une durée comprise entre un et trois mois. Sauf si le salarié est embauché en CDI à l’issue de son CDD. Trois types de CDD étaient dans la version initiale exclus du dispositif : les contrats saisonniers, les CDD de remplacement et les contrats d’usage, contrats temporaires sans limitation de durée et de nombre autorisés dans un certain nombre de secteurs (21 précisément, de l’exploitation forestière à l’audiovisuel en passant par l’hôtellerie). Ils représentaient en 2010 plus de la moitié des CDD de moins d’un mois. En parallèle était proposé d’instituer une exonération de cotisation pendant trois mois après la fin de la période d’essai pour toute embauche en CDI d’un jeune de moins de 26 ans.

Les discussions se sont poursuivies tout l’après-midi mais en aparté avec les trois signataires syndicaux potentiels, CFDT, CFTC et CGC. Vers 21 heures, la négociation a officiellement repris pour balayer un sixième et dernier texte. Parmi les évolutions : l’extension de la taxation aux contrats d’usage (4,5%) ainsi que l’ouverture d’une négociation dans l’Intérim pour fixer les contours du contrat de travail intérimaire.

La CGT et FO dénoncent l’accord

A la sortie, à 22 h 30, la CGT et FO ont dénoncé l’accord. « Plus de précarité et plus de liberté pour licencier, on est a contrario de l’objectif initial de cette négociation », a dénoncé la cégétiste Agnès Le Bot. Stéphane Lardy (FO) s’est dit « extrêmement déçu » d’un texte « extrêmement déséquilibré avec peu de droits et beaucoup de flexibilité de l’emploi ». Il « dévoie la cible fixée par le document d’orientation [adressé par le gouvernement aux partenaires sociaux en juillet] ».

Marie-Françoise Leflon, de la CGC, s’est refusée à prendre officiellement position, renvoyant la décision à son bureau confédéral, mais elle a souligné que le résultat de la négociation était « un accord équilibré ». La délégation CFTC a en revanche donné un « avis favorable ».

« Un accord ambitieux » pour la CFDTLa CFDT a aussi été catégorique. « Elle a fait choix emploi et refus précarité et l’assumer avec panache », a affirmé le chef de sa délégation, Patrick Pierron, qui « demandera la semaine prochaine à son bureau national de décider de signer cet accord ambitieux ». « Nous nous étions fixé quatre objectifs au départ : généralisation de complémentaire santé pour tous les salariés, objectif atteint ; créer des droits rechargeables pour tous les chômeurs, objectif atteint ; permettre l’encadrement des temps partiels subis, objectif atteint ; taxation des contrats courts pour éviter une utilisation abusive de contrats de huit jours, un mois ou trois mois », a-t-il déclaré. On se dirige donc vers trois signatures syndicales. Suffisant pour valider l’accord. Mercredi, le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a souligné qu’ « à ce stade, un accord majoritaire c’est un accord qui est signé par trois des cinq organisations considérées comme représentatives ».

« Le meilleur standard européen de flexisécurité » selon le Medef

De quoi ravir Patrick Bernasconi, le chef de la délégation patronale, qui a dû affronter pendant cette négociation non seulement les syndicats mais aussi une fronde interne au patronat, de la CGPME d’abord, qui ne voulait pas entendre parler d’une taxation des contrats courts, puis de l’UPA, sur les modalités de choix des organismes assureurs pour la généralisation de la complémentaire santé. Une fois n’est pas coutume, il a donc cru bon de préciser que « les trois organisations patronales signeront cet accord [qui] va permettre aux entreprises de gagner en compétitivité et d’atteindre le meilleur standard européen de flexisécurité. » « J’attend du gouvernement la transposition exacte et complète de cet accord », a-t-il conclu.

Hollande rend « hommage » aux partenaires sociaux le 12/01 à 00:46

Hollande l’espérait. Désormais, il l’a. Et il a aussitôt rendu « hommage » aux partenaires sociaux. Même si l’accord auquel sont parvenus aujourd’hui le patronat et les syndicats n’est pas parfait (il n’est pas signé par toutes le organisations et doit encore recevoir l’approbation formelle des signataires), c’est un accord tout de même et donc une très bonne nouvelle pour le chef de l’Etat, qui n’avait cessé d’appeler syndicats et patronat à prendre leurs « responsabilités ». « C’est très important », se réjouit-on à l’Elysée. « C’est la première fois depuis plus de trente ans qu’une négociation de ce niveau et de cette ampleur aboutit » sur l’emploi, a insisté le président. « Il avait beaucoup à perdre », avoue un responsable du PS. Surtout à la veille de la manifestation contre le mariage homosexuel. « Avec un échec sur la réforme du marché du travail et la pagaille sur le front sociétal, la communication de l’exécutif risquait de tomber d’un coup », poursuit le même socialiste.