Retraite : les conditions du départ anticipé pour pénibilité

, par Michel DECAYEUX

Les échos 21/01/11

Les décrets transmis aux partenaires sociaux précisent la façon dont la pénibilité pourra ouvrir le droit à un départ à la retraite anticipé. La durée d’exposition est fixée à 17 ans pour les personnes souffrant d’une incapacité comprise entre 10 % et 20 %.

Le gouvernement vient de transmettre aux partenaires sociaux une série de décrets qui précisent la loi de réforme des retraites. Et ils sont importants, puisqu’ils traitent de la prise en compte de la pénibilité pour ouvrir le droit à une retraite anticipée, un sujet qui avait fait l’objet de débats passionnés à l’automne.

Pour les assurés justifiant d’une carrière pénible, l’âge d’ouverture des droits sera maintenu à 60 ans (alors qu’il sera progressivement porté à 62 ans pour les autres). Deux cas de figure sont prévus. Première hypothèse : le salarié souffre d’un taux d’incapacité de 20 % ou plus. Le départ anticipé est alors accordé automatiquement. Deuxième hypothèse : le taux d’incapacité est compris entre 10 % et 20 %. Le salarié doit alors passer devant une commission pluridisciplinaire qui accorde ou non le droit au départ anticipé. L’assuré devra apporter la preuve que son incapacité a été provoquée par son travail -par exemple des bulletins de paie attestant qu’il a été maçon ou qu’il a travaillé de nuit. L’un des décrets précise que la durée minimale d’exposition aux facteurs de pénibilité, dans ce cas, « est fixée à dix-sept ans ».

Liste de facteurs Un autre texte définit ces facteurs de pénibilité. Il s’agit d’abord des « contraintes physiques marquées » : manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations. Ensuite la pénibilité « au titre de l’environnement agressif » : agents chimiques dangereux, températures extrêmes, hautes pressions, bruit, etc. Enfin les « contraintes liées au rythme de travail » : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif. Le ministère du Travail espère que cette liste fera consensus, car elle a été fixée par les partenaires sociaux lors de leur négociation sur la pénibilité en 2008. Mais aucune mesure quantitative n’est précisée (par exemple le niveau de décibels pour le bruit ou le poids pour les charges lourdes). Ces éléments sont laissés à l’appréciation de la commission pluridisciplinaire. Il y aura une commission par région, composée de cinq représentants de l’Etat et de la Sécurité sociale, dont deux médecins. Elles auront la lourde tâche de traiter au moins 20.000 dossiers par an -c’est l’estimation du gouvernement pour le nombre de bénéficiaires potentiels de ce dispositif, en plus des 10.000 assurés qui souffrent d’une incapacité de plus de 20 %.

<Phase de concertation Les décrets fixent enfin les modalités de fonctionnement du fonds chargé de financer les actions de prévention de la pénibilité dans les entreprises jusqu’en 2013. Doté d’un budget de 20 millions d’euros en 2011, il est financé à moitié par l’Etat et à moitié par les entreprises via la branche accidents du travail de la Sécurité sociale. Le ministère du Travail entend publier ces décrets avant le 1 er mars, après une phase de concertation avec le patronat et les syndicats. Lesquels espèrent obtenir des aménagements. « Dix-sept ans d’exposition minimale, cela nous paraît trop long pour certaines professions », critique Jean-Marc Bilquez (FO). « Les partenaires sociaux doivent être représentés au sein des commissions pluridisciplinaires », demande Patrick Pierron (CFDT).</font<