PICARDIE Mobilisation à la baisse

, par Michel DECAYEUX

Le courrier Picard07 Novembre 2010

Pas négligeable, mais en nette perte de vitesse.

C’était le constat sur la participation dans la douzaine de cortèges qui ont défilé hier en Picardie.

Des trois départements picards, c’est dans la Somme - en toute logique - à Amiens, capitale régionale, qu’on a connu le plus gros cortège. Mais avec 3 000 participants, le résultat était loin des précédents rendez-vous contre la réforme des retraites. Signe qui ne trompe pas, au lieu du grand tour des boulevards effectué lors des dernières manifestations, le cortège s’est replié hier sur un périple plus court à travers l’hypercentre.

Une première depuis le début du conflit. Néanmoins, côté syndical, on ne se montrait pas fâché du score du jour, surtout pour un samedi maussade. Dans le reste de la Somme, 450 personnes ont défilé à Abbeville (soit moitié moins que lors de la précédente manifestation du 28 octobre). À Friville, on comptait autour de 400 manifestants, autour de 200 à Eu, dans les Villes sœurs, 70 à Doullens et donc 200 à Roye qui connaissait hier son premier défilé de ce mouvement contre la réforme des retraites.

Dans l’Oise, même tendance. Onn’a compté guère plus d’un millier de manifestants hier à Compiègne, quand ils étaient encore le double le 28 octobre et 8 000 le 12 octobre. à Beauvais, le cortège comptait hier après-midi autour de 800 personnes.

Dans l’Aisne, la manifestation de Saint-Quentin rassemblait un petit millier de participants, celle de Laon a réuni 400 personnes et ils étaient une centaine à Chauny.

Dans le sud du département, ils étaient 120 à Villers-Côtterets et 200 à Soissons. SAINT-QUENTIN « Ce n’est pas un baroud d’honneur » Les manifestants étaient peu nombreux, samedi matin, dans le département, à commencer par Saint-Quentin, où on en comptait un petit millier. Syndicats et policiers en accord.

Qui a dit que c’était fini ?

En tout cas, pas la poignée de manifestants, hier matin dans les rues de Saint-Quentin. « Poignée » par rapport aux dernières manifestations. Cette fois, c’est indéniable. Il y a moins de monde. Cinq cents au départ de la place Stalingrad. Le flot grossit au fur et à mesure de son avancée dans le centre-ville. Ils sont un petit millier. Paroles de syndiqués et... de policiers. Une première. Aucun écart entre les deux comptages.

Il faut dire qu’il est aisé de compter les manifestants tant les rangs sont parfois épars. Pour autant, ils ont les coudes bien serrés concernant le refus de réforme des retraites.

« On poursuit la lutte »

« Même si la loi est promulguée, il y aura une nouvelle loi qui ramènera la retraite à 60 ans. Et je ne rêve pas quand je dis ça. On poursuit la lutte », affirme Georges du haut de ses 54 ans, veste badgée de rouge. Et qu’on ne lui parle pas de baroud d’honneur. « On reviendra », poursuit-il.

Au micro, une jeune femme crie que « ce n’est pas la pluie qui nous arrêtera. C’est la huitième et s’il faut y en aura toutes les semaines ». Au son des « ouais », l’adhésion est immédiate autour d’elle.

« On veut continuer à manifester contre ce projet Sarko. Et je suis un citoyen indépendant, pas syndiqué. Il y a d’autres solutions que ce projet-là. Il faut mettre tout le monde à contribution... », déclare Alain, de Péronne (Somme). Ce monsieur de 62 ans lève haut sa pancarte. Fier révolutionnaire. Il poursuit son chemin, bientôt arrivé sur la place de l’Hôtel-de-Ville. Terminus de la manifestation.

Et une fois de plus à l’approche de la fin, l’Internationale retentit, suivie par des slogans où Xavier Bertrand en prend largement pour son grade, évinçant le président ou le Premier ministre. [RC]

Et hop, un pétard éclate sur une place où le marché du samedi tire également à sa fin. Les commerçants remballent, à l’image des manifestants, pancartes vers le bas.

Qui a dit que c’était fini ? Pour l’heure, c’est le cas.

« On ne doit pas en rester là »

AMIENS, avec 3 000 manifestants samedi, la 8e journée d’action contre la réforme des retraites a marqué le pas. Les syndicats appellent maintenant à rebondir sur l’emploi et le pouvoir d’achat.

Le signe ne trompe pas. Au lieu du grand tour habituel des boulevards, le cortège amiénois des manifestants encore mobilisés contre la réforme des retraites s’est replié hier sur un périple plus court à travers l’hypercentre. Une première depuis le début du conflit, marqué par huit journées d’actions en deux mois.

Au micro, l’objectif du jour était clair : « On va leur montrer qu’on ne faiblit pas ! » Ce qui ne s’est pas forcément démontré par les chiffres. La CGT annonçait plus de 4 000 participants, un chiffre plus réaliste que celui de la préfecture, fixé à 1 800. Du côté syndical, on ne se montrait pas fâché du score du jour, surtout pour un samedi, malgré une baisse par rapport à la précédente action pendant les vacances scolaires.

« C’est vrai que ça sent le baroud d’honneur, mais il ne faut pas vivre le résultat d’aujourd’hui comme un échec », commentait Pierre Cocquelin, de la CFDT santé-sociaux de la Somme. D’autant que « je n’ai pas souvenir d’avoir été dans un rapport aussi dur avec un gouvernement, qui est resté autiste de bout en bout. Rien que pour ces huit journées sacrifiées, on ne doit pas en rester là. » D’autres formes d’actions au sein des entreprises

Justement, alors que le gouvernement pense promulguer sa réforme le 15 novembre, les syndicats exhortent la population à rester mobilisée sur d’autres combats satellites aux retraites : l’emploi des seniors et des jeunes ainsi que le pouvoir d’achat. Le passage du cortège dans la commerçante rue des Trois-Cailloux ne fut d’ailleurs pas un hasard hier.

« Les prochaines Négociations annuelles obligatoires (NAO), le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les discussions sur les retraites complémentaires nous donneront des occasions de continuer », se projette déjà Christophe Saguez, le secrétaire départemental CGT. « Car la réforme ne règle pas le problème des retraites. Pour autant la colère, elle, est toujours là. La population est disposée à d’autres formes d’actions à définir au sein des entreprises. Les patrons le savent. Regardez la dernière grève chez Ametis. Elle n’a duré que deux jours. La direction a réagi vite parce qu’elle sait que les salariés sont prêts à s’investir. »

Et les jeunes ? « Tant que la réforme n’est pas promulguée, on ne doit pas tirer de bilan trop vite. Alors qu’ils viennent de subir une défaite auprès de l’opinion, Woerth, Fillon et Borloo commencent à ne plus parler le même langage », observe David, étudiant à l’IUFM. « Même si les syndicats envisagent d’espacer leurs actions, les jeunes, eux, seront là pour s’intercaler. Notre tour est peut-être venu de prendre le relais ». Ce qui n’a pas été pleinement le cas jusqu’ici dans les facs.

La coordination nationale étudiante se réunissait ce week-end. Et des assemblées générales sont prévues demain et mardi à l’université d’Amiens. Une action de la jeunesse pourrait intervenir sans doute derrière dans la semaine.