Retraites, niches : l’ampleur des déficits rend les hausses de prélèvements incontournables

, par udfo60

Les Echos 18/05/10

Le gouvernement exclut « toute solution fondée sur la hausse générale des prélèvements obligatoires » pour rééquilibrer les régimes de retraite et les comptes publics. Mais les mesures ciblées (taxation du capital et des hauts revenus, réduction des niches fiscales) brouillent son discours. Et un débat sur la hausse de la CRDS va bientôt survenir.

Taxation des revenus du capital, prélèvement sur les hauts revenus, réduction des niches fiscales et sociales : les engagements pris ces derniers jours par le gouvernement contribuent à rassurer Bruxelles quant aux efforts consentis pour réduire le déficit public (150 milliards d’euros cette année). Mais ils renforcent l’argumentaire de ceux qui, notamment à gauche, dénoncent des augmentations d’impôt masquées. Le gouvernement prend toutes les précautions pour les contredire. Dans le document d’orientation sur la réforme des retraites envoyé dimanche soir, il exclut « toute solution fondée sur la hausse générale des prélèvements obligatoires », celle-ci concourant à baisser le niveau de vie des Français et à faire augmenter le chômage. Les efforts seraient, quoi qu’il en soit, trop brutaux, indique le gouvernement : en l’absence de mesure sur la durée du travail, le financement des retraites supposerait d’alourdir les prélèvements obligatoires (PO) de 32 milliards d’euros en 2010 et de 70 milliards en 2030. A défaut de hausse générale, c’est l’accumulation de mesures ciblées, encore non détaillées, qui concourt à cette impression de hausses d’impôt. Certains élus de droite n’hésitent d’ailleurs pas à les nommer comme telles : « A u fond, on va créer un impôt », a estimé le villepiniste Hervé Mariton hier en évoquant les prélèvements sur les hauts revenus et sur le capital, qui devraient représenter plusieurs milliards d’euros.

La semaine dernière, François Fillon s’était déjà engagé à économiser 5 milliards d’euros sur les niches fiscales et sociales au cours des deux prochaines années. Il veut éviter, autant que possible, de jouer sur les taux (relèvement des taux de TVA réduite, baisse des réductions d’impôts, etc.), trop assimilable à des hausses de prélèvements. Mais, au final, la réforme aboutira bien à une hausse des PO, attendus à 814 milliards d’euros en 2010.

La CRDS en ligne de mire

Et ce n’est sans doute pas fini. Car ces nouveaux prélèvements ne résoudront pas le problème de la dette sociale, résultat des déficits accumulés par la Sécurité sociale. Elle devrait atteindre 224 milliards d’euros en 2012, prévoit l’agence de notation Moody’s, deux fois plus qu’en 2008. Comment la rembourser ? Le gouvernement vient de constituer un groupe de travail pour faire des propositions. « Quelle que soit la solution choisie, il faudra vraisemblablement un prélèvement supplémentaire », prévient le rapporteur du budget de la Sécurité sociale à l’Assemblée, Yves Bur (UMP), qui est membre du groupe. Les sénateurs de la majorité ont aussi prévenu le gouvernement qu’ils réclameraient une hausse de la CRDS, créée en 1996 pour rembourser la dette logée dans la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

Le taux de la CRDS (0,5 %) n’a jamais été augmenté. Il faudrait le doubler, à 1 %, pour transférer à la Cades les seuls déficits de 2009 et 2010 sans allonger la durée d’amortissement de la dette sociale (2020-2022). Pour ne pas peser sur le pouvoir d’achat et la croissance, le gouvernement est tenté de prolonger la durée de vie de la Cades, mais cela nécessiterait une nouvelle loi organique et serait difficile à assumer : la charge de la dette serait renvoyée aux générations suivantes.
Nombre de parlementaires de gauche comme de droite ne pourront l’accepter sans que cela s’accompagne d’une hausse de la CRDS.