PONT-L’ÉVÊQUE (60) L’amiante continue de tuer

, par Michel DECAYEUX

Courrier Picard15 Février 2010

Onze Picards sont venus allonger en 2009 la liste des victimes.

Parmi elles, un couple d’amis de Josiane. La trésorière de l’association de défense des malades témoigne.

Les yeux rouges et la gorge nouée, Josiane Dessaint prend le micro devant les quelque cent cinquante personnes réunies samedi après-midi à Pont-L’Évêque (Oise). Victimes ou parents proches, elles sont toutes venues écouter le bilan de l’association de défense des victimes de l’amiante en Picardie (Ardevap), dont le combat est loin d’être terminé. En 2009, le matériau nocif a fait au moins 11 victimes dans la région, toutes adhérentes de l’Ardevap.

Parmi elles, un couple de Noyonnais, Josiane, 66 ans, et Jacques, 67 ans, décédés à six semaines d’intervalle, à l’automne dernier. « Tués par Abex (usine de plaquettes de freins de Federal Mogul désamiantée puis rasée en novembre dernier, Ndlr), l’usine de la mort », comme la surnomme Josiane Dessaint qui a accompagné le couple, des amis d’enfance, jusque dans leurs derniers jours. « Il y a travaillé pendant 35 ans et elle durant 8 ans, sans savoir à l’époque qu’on leur mettait la tête dans un sac d’amiante et les conduisait tout droit vers la mort. »

« Non ch’tiote, cette fois, je sais que je vais crever... »

Atteint d’un cancer depuis 5 ans, pour lequel il avait suivi plusieurs chimiothérapies, Jacques se savait depuis longtemps condamné. Tout comme son épouse qui a vu en un an son état se détériorer, foudroyé par un mésothéliome, un cancer très grave, difficile à soigner. « Je suis allée la voir le vendredi pour essayer de la réconforter comme chaque semaine. Mais ce jour-là, elle m’a dit : "Non ch’tiote, cette fois je sais que je vais crever...". Le lundi suivant elle mourait. J’ai fondu en larmes », se souvient Josiane Dessaint.

Trésorière de l’association depuis sa création en 1997, elle a elle-même travaillé durant 35 ans chez Abex, et développé des cellules cancéreuses au niveau du pancréas. Si elle s’en est sortie jusqu’à aujourd’hui après un an de chimiothérapie, elle sait que la maladie peut ressurgir à tout moment. En attendant, elle mène le combat de sa vie, au sein de l’Ardevap. « J’ai à chaque fois promis à mes amis sur leur lit d’hôpital que je continuerais à me battre pour leurs enfants. Pour que les tribunaux reconnaissent les maladies liées à l’amiante et indemnisent leurs familles. Et pour que les patrons soient condamnés pour ce qu’ils ont fait. Je ne leur ferai pas de cadeaux. »