L’assurance-chômage universelle d’Emmanuel Macron va-t-elle amputer les droits des chômeurs ?

, par Michel DECAYEUX

AFP et différents journaux 12 octobre 2017

Le projet « d’assurance-chômage universelle » est une promesse phare de l’exécutif. D’après les engagements de campagne, « tous les actifs » auront droit à une allocation-chômage : outre les salariés démissionnaires, qui pourront y recourir une fois tous les cinq ans, les allocations seront aussi ouvertes aux indépendants, agriculteurs, chefs d’entreprise, etc.

« L’objectif, c’est d’ouvrir l’assurance chômage à tous et c’est aussi qu’elle puisse se réformer pour lutter contre la précarité », explique Muriel Pénicaud. Car « les contrats précaires », c’est « ce qui coûte le plus cher à l’assurance chômage ». Est prévu un « bonus-malus » pour les entreprises qui abusent des contrats courts.

Plus de chômeurs, mais pas plus d’argent L’élargissement de ce droit devrait mécaniquement conduire à une augmentation du nombre d’inscrits à Pôle emploi. Le budget consacré aux prestations augmenterait alors dans des proportions considérables. D’après une étude du ministère du Travail, il faudrait y consacrer entre 8 et 14 milliards d’euros la première année, entre 3 et 5 milliards d’euros les années suivantes. Problème : aucun financement nouveau n’est prévu pour compenser cette hausse. L’augmentation de la CSG ne dégagera aucune recette supplémentaire puisque dans le même temps, les cotisations chômage et maladie des salariés seront supprimées. Avec plus de chômeurs, mais pas plus d’argent, « il y a très clairement le risque d’une baisse des allocations » affirme le chargé des négociations sur l’assurance-chômage à la CGT. « On risque d’avoir des radiations de masse » Pour limiter le surcoût de sa mesure, Emmanuel Macron promet « un contrôle accru de la recherche d’emploi ». Par exemple, un demandeur d’emploi pourra être radié si « l’intensité de [sa] recherche d’emploi est insuffisante » explique le programme d’En Marche. Une idée qui fait bondir le délégué CGT : « Le modèle de Macron, c’est le modèle allemand, avec un contrôle permanent, affirme le syndicaliste. On risque d’avoir des radiations de masse et de se retrouver avec des travailleurs pauvres ». Du côté de la CFDT, la promesse du président de la République ne convainc pas non plus. Pour la secrétaire générale adjointe, il faut limiter les conditions d’accès à Pôle emploi des salariés démissionnaires afin de préserver les droits des autres demandeurs. « Sinon, estime-t-elle, on va favoriser les salariés les plus qualifiés. Ils se mettront au chômage quelques mois, en étant sûrs de retrouver un emploi derrière. Au lieu de sécuriser les plus fragiles, on offre des opportunités à ceux qui n’en ont pas forcément besoin ». Autre sujet de friction : le financement et la gouvernance. Le régime ne serait plus uniquement financé par les cotisations, mais également par l’impôt (CSG), et il passerait d’une gestion paritaire par les partenaires sociaux à une gestion tripartite avec un pilotage de l’Etat.

Les concertations avec l’exécutif n’ont pas démarré, mais les arguments sont déjà affûtés. Ouvrir l’assurance chômage aux indépendants et démissionnaires C’est la réforme de l’assurance-chômage qui risque de cristalliser le plus l’attention. Il est prévu d’étendre le système aux indépendants et aux démissionnaires. A la sortie de son entretien avec le président de la République, le président de la CFE-CGC, François Hommeril, s’est exprimé sur le sujet. Il craint en effet des « effets d’aubaine » et une facture salée. « Les calculs sont particulièrement inquiétants. L’indemnisation des démissionnaires, sur les chiffres actuels de démission, qui sont supérieurs à un million, va générer un surcoût assurantiel estimé à minimum 8 milliards d’euros, certains disent jusqu’à 14 milliards », a-t-il lancé.