Les fonctionnaires ne peuvent aller contre les « principes républicains »

, par Michel DECAYEUX

LE MONDE ECONOMIE | 02.05.2017

En plus du respect de la loi et de la neutralité politique, les agents des services publics sont aussi les garants des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, inscrits dans la Déclaration de 1789 et la Constitution, explique Johan Theuret, président de l’Association des DRH des grandes collectivités, dans une tribune au « Monde ».

Notre pays dispose d’une administration offrant aux citoyens des services publics qui reposent au quotidien sur le travail de femmes et d’hommes. Qu’ils soient infirmiers, jardiniers, éboueurs, sapeurs-pompiers, policiers municipaux, agents de nettoiement, gestionnaires de l’état civil, aides scolaires, professeurs de musique, responsables des finances, directeurs d’établissement, leur travail et leur profession doivent être respectés comme l’intégrité de leur personne. Nous déplorons les discours menaçants formulés par certains candidats ces dernières semaines à l’encontre de fonctionnaires, policiers ou magistrats, accomplissant leurs missions.

Pour les agents publics, agir pour le bien commun et l’intérêt général nécessite le respect d’une déontologie professionnelle. C’est pourquoi la puissance publique se fonde sur une administration respectant la légalité et faisant preuve de neutralité. Les agents publics doivent avoir un comportement en accord avec ces principes.

Idéal républicain S’y ajoute cependant le respect des valeurs de la République – la liberté, l’égalité, la fraternité, la laïcité – valeurs fondatrices de l’Etat de droit, héritières de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et contenues dans le préambule de notre Constitution. En portant des valeurs, notamment de solidarité à l’égard de nos concitoyens les plus faibles et en situation précaire, l’action publique ne doit pas être, par des discours réducteurs, travestie en politiques publiques contraires aux principes républicains.

Les agents publics éprouvent de la fierté à exercer leur métier au même titre que d’autres salariés. Leur engagement professionnel n’a ni à être détourné de l’intérêt général ni à servir des intérêts particuliers. Les maux dont souffrent la fonction publique et les difficiles situations d’agressivité, d’inégalités et de précarité auxquelles de très nombreux fonctionnaires sont malheureusement tous les jours confrontés, ne peuvent justifier que les fonctionnaires se détournent de leur idéal républicain lié à leur engagement professionnel.

Incantations

Nous, directeurs de ressources humaines de grandes villes, de régions et de départements, appelons les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle à respecter ces valeurs et règles de conduite. Constitutives de notre patrimoine républicain, elles doivent se traduire en actes et ne plus seulement être brandies comme des incantations ou de simples idées abstraites.

Garants de l’unité nationale, nous souhaitons que le président de la République reconnaisse ces principes et valeurs fédératrices sans porter de critiques acerbes et de jugements non fondés à l’égard des fonctionnaires qui accomplissent leur mission, servir l’intérêt général.

Alors que les menaces terroristes perdurent, le président de la République devra au travers du droit et de la loi lutter contre les attaques incessantes aux valeurs de fraternité. Il devra, plus encore que les précédents, lutter contre toutes les formes d’intolérance et de violence. Le respect et le sens du bon fonctionnement des services sont attendus de tous. Continuité, égalité et adaptation

Le président de la République, face à l’alerte républicaine de ces derniers résultats électoraux, devra porter le renouvellement de l’administration, en s’appuyant sur le célèbre triptyque qui caractérise nos services publics : la continuité, l’égalité et l’adaptation.

En effet, que signifie l’égalité d’accès à la fonction publique lorsque de nombreux citoyens en sont exclus du fait de son manque de lisibilité et que la reproduction sociale prend le pas sur l’ascension sociale ? Que signifie l’égalité devant les services publics quand des citoyens ne peuvent plus être des usagers de ces services publics ? Que signifie la fraternité quand des discriminations perdurent du fait du manque de transparence des procédures, que les inégalités femmes-hommes demeurent ou que la fonction publique peine à s’enrichir de la diversité de la société française alors que le chômage des jeunes ne baisse pas ? Que signifie la liberté devant le foisonnement de textes se superposant les uns aux autres et qui, immanquablement, complexifient le fonctionnement des services ?

Peut-être l’administration a-t-elle trop longtemps repoussé cette modernisation, au détriment des concitoyens, de l’efficience de la puissance publique et des agents eux-mêmes. Pourtant, ce ne sont pas les seules contraintes budgétaires, souvent facteur d’inquiétude et de perte de sens chez les fonctionnaires, qui devraient inciter à des transformations d’ampleur.

Levier de modernisation

Ce sont les aspirations républicaines et les valeurs fondatrices du service public qui justifient de mieux répondre aux impératifs de notre société. Le nombre de fonctionnaires ne doit pas être une simple variable d’ajustement budgétaire, il doit avant tout correspondre aux ressources humaines nécessaires au fonctionnement des services publics. Ce qui oblige les candidats à proposer leurs visions des périmètres de l’action publique.

Convaincus que la culture du service public est un levier de modernisation, celle-ci ne peut pas se réduire à une notion de performance. Cette modernisation doit retrouver un sens partagé, celui de l’efficience des services publics au service des usagers. En effet, si les fonctionnaires ont des obligations et des responsabilités pour assurer le fonctionnement des services publics, la satisfaction et la défense de l’intérêt général commandent que le prochain président de la République impulse et accompagne l’évolution de l’administration, sans jugements de valeur ou stigmatisations caricaturales.

Nos principes républicains, les valeurs de nos services publics, socles de notre unité et de la fierté française, pourraient demain prendre une nouvelle dimension si le président de la République s’engage en ce sens, avec tous les acteurs des trois fonctions publiques.