13 avril 1948 : pour un syndicalisme laïque et la défense de l’école laïque

Trois mois après sa création l’UD FO de l’Oise intervient dans le congrès confédéral.

MOTION pour un syndicalisme laïque ; pour la défense de l’École laïque, présentée au Congrès confédéral des 12 et 13 avril 1948

par : La Fédération de l’Éducation nationale F.O. ; La Fédération des Mineurs ; Les U.D. de la Vienne, de l’Oise, du Lot ; Le Syndicat F.O. des Instituteurs de la Loire.

I

LE Congrès confédéral proclame solennellement le caractère laïque du syndicalisme bel qu’il le conçoit. L’indépendance du syndicalisme doit être sauvegardée aussi bien à l’égard des partis politiques, des gouvernements et en général de toutes les puissances ou autorités économiques et administratives qu’à l’égard de toutes les Églises et sectes philosophiques ou religieuses.

Le caractère laïque de l’action syndicale implique donc la tolérance qui est le respect des consciences des hommes, des femmes et des enfants du monde entier. Il implique également l’ambition de développer chez tous les travailleurs l’amour de la liberté, de la démocratie, de la vérité et .de la solidarité humaine. C’est une éducation laïque qui réalisera ces buts. Dans le sens cù Diderot a dit : « Avoir des esclaves n’est rien, mais ce qui est intolérable, c’est d’avoir des esclaves en les appelant citoyens »

Le Congrès juge intolérable toute situation où ne sera pas donné, à l’école laïque, le premier rang dans la république. Cette école doit former tous les enfants de la nation. Toutes les œuvres périscolaires et, en particulier, les œuvres d’éducation ouvrière, doivent maintenir et développer les hautes aspirations humaines dont l’école laïque favorise et favorisera l’épanouissement.

II

Le Congrès exprime sa réprobation pour tous les actes, quelle qu’en soit l’inspiration, qui atteignent, et restreignent le libre développement de l’individu. Une école soumise à un dogme religieux aussi bien qu’une école qui servirait un système politique plus ou moins totalitaire sont la négation, à ses yeux, de la démocratie. Le Congrès met en garde tous les travailleurs contre ceux qui, usurpant le titre de défenseur de la laïcité, le brandissent comme un drapeau, mais l’utilisent en fait pour camoufler leurs entreprises en faveur d’un cléricalisme de parti ou d’État, sous l’apparence d’une lutte contre un cléricalisme d’Église.

III

Le Congrès jette un cri d’alarme devant les périls auxquels l’école laïque se trouve actuellement exposée. En premier lieu : Ces périls résultent d’attaques délibérées de ses adversaires, constituant des violations flagrantes de la loi :

— occupation illégale des locaux scolaires des Houillères nationalisées des bassins du centre et du sud-est ;

— octroi, illégal ou camouflé, de subventions aux établissements scolaires privés, par des municipalités complaisantes et peu scrupuleuses ;

— noyautage politique des élèves des centres d’apprentissage, etc. Le Congrès réclame avec force Le respect strict de la loi républicaine et des mesures urgentes pour que ce respect soit et demeure assuré partout, y compris dans les départements d’Alsace et de Lorraine.

En second lieu : Un péril aussi grave menace l’école laïque en l’empêchant de répondre efficacement aux attaques dont elle est l’objet : c’est l’insuffisance tragique des crédits attribués à l’œuvre éminemment constructive et pacifique de l’Éducation nationale, insuffisance qui apparaît encore mieux dans la comparaison avec les budgets militaires ordinaires et extraordinaires.

Que les crédits accordés par l’État à la reconstruction de ses écoles sinistrées soient inférieurs aux crédits que l’aide américaine privée octroie à l’enseignement confessionnel constitue, aux yeux du Congrès, un scandale oui doit cesser par la reconstruction prioritaire des écoles publiques. Faute de locaux, des classes déjà surchargées ne suffisent pas à accueillir tous les enfants d’âge scolaire dans les établissements publics.

Le Congrès considère que la loi rendant l’école laïque gratuite et obligatoire impose à l’État le devoir de lui assurer les moyens de son fonctionnement l’insuffisance de ceux-ci ne devant pas servir d’argument ou plutôt de prétexte à ses adversaires pour l’affaiblir encore en prétendant vouloir la suppléer. . C’est tout l’avenir de l’émancipation des travailleurs que compromet l’insuffisance des moyens accordés à l’école depuis ses degrés les plus élémentaires et les plus fondamentaux (crèches, écoles maternelles, reconstructions des écoles vétustes, internats laïques, .etc.) jusqu’à ses ramifications, ou ses prolongements les plus nécessaires (œuvres d’éducation populaires, éducation sportive, etc.) ou subventions aux laboratoires de recherche scientifique. A plus forte raison une politique de compression de crédits déjà insuffisants constitue une faute autant qu’un crime : le Congrès proteste contre toute diminution du budget de l’Éducation nationale.

Le Congrès mandate le Bureau confédéral pour s’associer à tous les efforts qui tendent à sauvegarder le patrimoine que constitue pour la classe ouvrière l’école laïque, pour susciter et encourager toutes les initiatives susceptibles de provoquer un renouveau de l’action laïque, pourvu, bien entendu, que cette action ne serve pas d’alibi à une entreprise politique.

IV

1°) Le Congrès proclame la volonté de la classe ouvrière de participer à la réalisation d’une réforme démocratique de l’enseignement. Comme on a pu dire hier « qu’accepter la république c’est accepter la laïcité de l’enseignement », c’est en voulant une organisation nouvelle de l’enseignement- permettant le développement complet de l’enfant, le perfectionnement continu du citoyen et du travailleur, dans le constant respect de la personne humaine, qu’on voudra et qu’on réalisera une société plus juste et plus belle.

2°) La classe ouvrière tient toujours le flambeau de ceux qui, i] y a juste cent ans, proclamèrent l’abolition de l’esclavage. Elle pense qu’après en avoir proclamé l’abolition, il s’agit d’en faire disparaître toutes les séquelles. L’École laïque est le moyen d’abolir ici et partout, en France et outre-mer, l’ignorance. Parce qu’elle est l’école lies travailleurs, elle porte témoignage au monde de leur aspiration pour la liberté, pour la paix, pour la vérité.

Source : publication "Force ouvrière" n°123 du 6 mai 1948 au sein d’un article "Appel à tous les travailleurs" publié par la FEN FO et reproduisant la motion adoptée par le congrès confédéral quelques semaines avant.

Copie Force ouvrière 6mai48