Loi Travail : Valls sur la corde raide

, par Michel DECAYEUX

21 juin 2016, AFP/ Le parisien/20Mn etc.

Le bras de fer continue entre les syndicats, qui veulent manifester jeudi, et le gouvernement, qui menace d’interdire les défilés à cause de la violence des casseurs.

« Ceci est une remise en cause d’un droit fondamental, la liberté de manifester puisque votre proposition ne constitue pas une réelle alternative. »

Retour à l’envoyeur : lundi soir, l’intersyndicale qui réunit les opposants à la loi Travail, de la CGT à FO, a dit niet au gouvernement dans un courrier répondant à Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur. Pas question de substituer un rassemblement « statique » en lieu et place d’un traditionnel défilé Bastille-Nation le 23 juin. Quitte à pousser le gouvernement à sortir l’artillerie lourde : l’interdiction d’une manifestation à Paris.

Cap ou pas cap ? Lundi matin, à l’heure des croissants à Matignon, certains députés amis du Premier ministre s’interrogeaient sur la volonté réelle du président d’assumer une éventuelle interdiction de défiler. « Valls nous a dit de pas nous inquiéter là-dessus... », confie un participant. Quelques heures plus tard, les deux têtes de l’exécutif évoquaient d’ailleurs les manifestations lors de leur déjeuner.

De fait, l’Elysée comme Matignon se sont assurés de la faisabilité juridique d’une interdiction justifiée pour des raisons de sécurité. Ce cas de figure s’est déjà produit en novembre dernier lorsque la marche mondiale pour le climat des ONG avait été interdite en prélude de la COP21.

Après Nuit debout, « jour debout » ?

Le gouvernement cherche donc à faire plier l’intersyndicale en lui proposant « un rassemblement statique ». Après Nuit debout place de la République, ce serait donc... « Jour debout » place de la Nation. Refus en règle des organisateurs. « Je ne suis pas sûr qu’une fan-zone syndicale à Nation soit plus sécurisée qu’une manifestation », rembarrait aussitôt Jean-Claude Mailly, le patron de Force ouvrière. « Franchement, vous voyez la place de la Nation, comme toute autre place, entourée par les forces de l’ordre ? Donc ça devient quoi, c’est une arène ? A quoi on veut jouer ? » a demandé Jean-Claude Mailly, le leader de FO, sur Canal

Mailly prêt à « discuter du parcours »

« La semaine dernière, nos responsables gouvernementaux disaient bien que les fan zones, c’était ce qu’il y avait de plus dangereux, qu’il ne fallait pas rester statique, je voudrais bien comprendre où on va », a poursuivi Jean-Claude Mailly.Il s’est dit « prêt à discuter du parcours » si les autorités « considèrent qu’un parcours serait meilleur ». Le 14 juin, jour d’une manifestation nationale contre le projet de loi travail, le défilé parisien entre la place d’Italie et les Invalides a été émaillé de violences et de dégradations

Selon Jean-Claude Mailly, les policiers « font leur boulot », mais « il y a un problème de fonctionnement dans les ordres » qu’ils reçoivent. « Il y a des moments où ils pensaient pouvoir intervenir, ils pensaient qu’on allait leur donner l’ordre et ils n’intervenaient pas. Ils voient les casseurs retirer du bitume, etc. Ils regardent, ils n’ont pas l’ordre d’intervenir, pourquoi ? » a demandé le numéro un de FO, deuxième syndicat parmi les policiers.

Bien que Manuel Valls soit favorable à l’interdiction pure et simple, cette mesure radicale a un coût politique non négligeable. « La CGT va ainsi crier au martyr », craint Daniel Vaillant. La contestation pourrait repartir de plus belle alors que, dans les sondages, l’opposition à la loi Travail est encore majoritaire. Surtout chez les jeunes.

Laurent Berger, patron de la CFDT alliée du gouvernement, a d’ailleurs bien perçu le risque de « victimisation de la CGT » en affirmant qu’une interdiction n’était « pas souhaitable ».

Bras de fer au sujet d’un défilé

Premier claquement de porte : en fin de matinée, la préfecture de police de Paris demande aux syndicats d’organiser un rassemblement statique plutôt qu’un défilé. Et ce afin de « mieux sécuriser la manifestation et de faire en sorte qu’il y ait moins de dégradations ». Réponse du berger à la bergère : à 14 h 18, l’intersyndicale diffuse un communiqué au ton rageur. Et maintient sa demande d’autorisation pour une vraie manif. « Je ne vois aucune raison de l’interdire ! Historiquement, cela n’a été fait qu’en de très, très rares occasions. Si les forces de l’ordre voulaient empêcher les casseurs, elles pourraient le faire… » tacle Jacques Girod, le secrétaire adjoint de FO (Force ouvrière) de Paris.

60% des Français considèrent "justifiée" la mobilisation contre la loi travail