Chômage des seniors : la France la recherche d’une solution

, par Michel DECAYEUX

Mer, 02/07/2014

Passés la cinquantaine, généralement aux alentours des 55 ans, les salariés sont le plus souvent jugés "has been" [1] Trop chers, pas assez performant ils sont, au mieux, mis au placard, au pire, poussés dehors. Constat caricatural ? Pas vraiment.

L’OCDE, dans un rapport publié en janvier dernier sur "Le vieillissement et les politiques de l’emploi en France", constate que moins d’un salarié français sur deux entre 55 et 64 ans a un emploi. Le "taux d’emploi" (nombre des personnes ayant un emploi sur la population totale) des 55-64 ans atteint seulement 45,9% en France, contre 48,4% dans l’Union européenne Et depuis le début de la crise, la situation n’a cessé de se dégrader pour les quinquas. Plus que dans n’importe quelle autre tranche d’âge, le taux de chômage progresse inexorablement. Depuis un an, il a augmenté de 11,5%. Aujourd’hui, il y a environ 1.100.000 demandeurs d’emplois de plus de 55 ans.

Jusqu’à présent, la France a en réalité été incapable de gérer le vieillissement de sa population active. Même si les possibilités de préretraite ont été réduites et les dispenses de recherches d’emplois progressivement supprimées, bon nombre de salariés partent encore à la retraite avant l’âge légal de 62 ans, l’âge effectif de départ étant de 59,7 ans. Le plus souvent, ce départ anticipé se fait faute d’avoir trouvé un nouvel emploi. Poussés vers la sortie, les seniors négocient leur départ et perçoivent une allocation chômage pendant trois ans sans avoir à rechercher un nouvel emploi.

Le travail des seniors : nouvelle priorité de Rebsamen Le 23 juin, François Rebsamen, ministre du Travail, a annoncé qu’après avoir concentré ses efforts sur l’emploi des jeunes, l’emploi des seniors était sa nouvelle priorité. Il propose notamment de s’attaquer au coût du travail des salariés les plus âgés qui, du fait de leur expérience professionnelle, ont des prétentions salariales plus importantes que leurs jeunes collègues. Mais faute de moyens, le ministre du travail se contentera de proposer, lors de la "grande conférence sociale pour l’emploi" des 7 et 8 juillet avec les partenaires sociaux, d’augmenter la prime du contrat de génération en faveur de salariés en fin de carrière. A l’heure actuelle les entreprises de moins de 300 salariés bénéficient d’une prime de 2000 euros par an pendant trois ans pour tout recrutement d’un jeune de moins de 26 ans en CDI en contrepartie du maintien de l’emploi d’un senior de plus de 57 ans pour lequel l’entreprise bénéficie d’une aide comparable, soit, au total, 4000 euros. François Rebsamen propose que cette prime jeune et senior passe au total à 6000 euros (2000 + 4000), toujours conditionnée au recrutement d’un moins de 26 ans. L’objectif est de conserver 500.000 emplois seniors sur 5 ans et une stabilisation du chômage des plus de 50 ans d’ici 6 mois. Mais les résultats sont plus qu’incertains alors que les contrats de génération sont loin d’atteindre leurs objectifs. Seulement 29.000 embauches ont été constatées depuis mars 2013 dans ce cadre alors que le gouvernement tablait sur 75.000.

Comment font nos voisins européens ?

La France n’est pas la seule à tenter de répondre à cette question de l’emploi des seniors. Les Pays-Bas, confrontés comme la plupart des pays européens à ce problème du sous-emploi des seniors, sont parvenus à le réduire. Le taux d’emploi des seniors est de 48% alors qu’il était seulement de 26% en 1995. Même si l’idée de repousser l’âge de la retraite légal à 67 ans a été abandonnée, les Néerlandais ont accepté l’idée qu’il fallait travailler plus longtemps pour financer leurs retraites. Des réformes ont donc été lancées pour inciter les plus de 65 ans à rester sur le marché du travail. En 2006, le gouvernement hollandais a ainsi rendu illégal tout accord permettant de partir en préretraite.

En Suède plus de 73% des 55-64 ans sont encore en activité. Avec ce score exceptionnel, elle est évidemment devant tous les autres pays européens. Ici le facteur culturel est important. La mobilisation des entreprises pour favoriser l’emploi des seniors est très importante dans les pays nordiques. L’Allemagne est sans doute le pays le plus concerné en Europe par cette question car elle a la population la plus âgée du Vieux continent et compte plus de 20 millions de retraités. Face au manque croisant de main d’œuvre, l’Allemagne encourage l’embauche des 50-65 ans. Plus de 7,7 millions de seniors ont un emploi. En 2006, l’Allemagne a mis en place un programme de soutien qui permet de couvrir de 30 à 50% du coût salarial.

Au Royaume-Uni, 71% des seniors sont actifs. Ces bons chiffres sont le résultat de la politique travailliste des années 90, mais aussi du faible niveau des salaires. Les incitations financières pour encourager ses seniors à travailler le plus longtemps possible (jusqu’à 70 ans) sont multiples. Par exemple, différer son départ à la retraite de 5 ans permet d’obtenir une compensation de 30 000 livres, soit 37.600 euros

Has-been (anglicisme) est un terme à connotation péjorative qui sert à qualifier quelqu’un ou quelque chose de désuet, obsolète, passé de mode ou ringard. Il s’emploie comme substantif ou comme adjectif. L’expression est particulièrement employée pour désigner, en français, « ancienne gloire »

Notes

[1has been