Feuquière:Saverglass s’implante dans l’oasis industrielle de Ras Al Khaimah

, par Michel DECAYEUX

12 avril 2013 Usine nouvelle

Le numéro un mondial de la bouteille de luxe vient d’inaugurer sa nouvelle usine à 80 kilomètres au nord de Dubaï (Emirats Arabes Unis), dans un émirat qui ne fait pas de concessions pour attirer les investisseurs industriels.

"Si un pays étranger te rend riche, alors ce pays deviendra le tien." Debout derrière un micro, Saoud ben Saqr Al Qassimi, l’émir de Ras Al Khaimah (Emirats Arabes Unis), adresse un sourire complice à Loïc Quentin de Gromard. Assis au premier rang, le PDG de Saverglass, leader mondial de la fabrication de bouteilles de luxe, savoure cette maxime. Jeudi 11 avril, il inaugure sa toute nouvelle usine qui s’étend sur 11 hectares dans la zone industrielle de Ras Al Khaimah, située à 80 kilomètres au nord de Dubaï. Un investissement de 75 millions d’euros, avec 180 postes créés à la clé.

Une centaine de banquiers, actionnaires, clients, distributeurs, diplomates, ainsi que la délégation du Cheik, assiste à l’évènement. "Nous avons fait un tour du monde pour trouver une zone compétitive, où l’énergie n’est pas chère et la main d’œuvre est à un prix raisonnable, déclare le dirigeant de la société verrière née en 1897 à Feuquières (Oise). Nous venons de réussir ce grand pari."

UNE PLATEFORME COMMERCIALE

Avec sa nouvelle implantation, Saverglass se rapproche des marchés viticoles d’Afrique du Sud, de Nouvelle Zélande et d’Australie. Les Emirats Arabes Unis possèdent toutes les infrastructures pour faciliter le transit des marchandises, comme le port artificiel de Jebel Ali à Dubaï. Loïc Quentin de Gromard assure ne pas délocaliser les productions existantes en France, notamment celle de Feuquières et d’Arques (Pas-de-Calais), spécialisées dans la fabrication et décoration pour vins et spiritueux haut de gamme. "A Ras Al Khaimah, nous produisons des bouteilles de vins standard premium, afin de permettre aux autre usines de consacrer davantage sur leur segment." Ouvert début janvier, le site émirati, composé d’un four et de quatre lignes entièrement automatisées, produira 90 000 tonnes de verre par an, soit 150 millions de bouteilles. Saverglass a réalisé un chiffre d’affaires de 365 millions d’euros en 2012 et prévoit 413 millions d’euros en 2013.

ZERO IMPOT

Dans cette zone désertique assommée par le soleil, l’industrie bourgeonne. Comme Saverglass, de nombreux entrepreneurs internationaux ont choisi de s’implanter au milieu des dunes qui longent le golfe persique. Mais en plus de sa situation géographique, les Emirats Arabes Unis offrent aux investisseurs des avantages fiscaux très favorables : aucun impôt sur les sociétés, les bénéfices ou les revenus et aucun droit de douane.

Cette fiscalité s’explique par le contrôle quasi-total de la finance par les hommes d’Etat émiratis. Pour son usine, Saverglass a été contraint de trouver un partenaire local, un "sponsor", comme l’oblige la loi émiratie. L’émir lui-même est propriétaire de 51 % du site, comme de la majorité des usines étrangères de la zone industrielle de son émirat, et loue un bail emphytéotique sur 50 ans à Saverglass. Mais il ne touche aucun bénéfice sur l’activité du site. Depuis la création en 2005 du Ras Al Khaimah investment authority, un institut chargé de promouvoir à l’international les avantages économiques de l’émirat, ce sont plus de 6 000 entreprises étrangères qui se sont implantées à Ras AL Khaimah.

L’usine de Saverglass est sortie du sable en 15 mois de septembre 2011 à janvier 2013. "En France cela nous aurait pris quatre ans et demi et nous aurait coûté 125 millions d’euros", certifie le dirigeant de Saverglass. Le verrier picard Arc International, spécialisé dans les arts de la table, s’est installé en 2004 juste à côté du site choisi par Saverglass. "Leur présence nous a guidé jusqu’ici, explique Loïc Quentin de Gromard. Ils sont juste derrière ce mur !" D’abord voisins à Arques, Saverglass avait repris une partie du site d’Arc International pour y implanter son atelier de décoration Alphaglass. "Ici, on se fournit en composants en cas de besoin et nos expatriés sont ensemble."

MAIN D’ŒUVRE IMMIGREE

Derrière la totale liberté économique qui prévaut aux Emirats Arabes Unis, dont la population compte plus de 80 % d’immigrés, se cache une sombre réalité sociale. Des masses de travailleurs venus d’Asie souvent sous-payés et dépourvus de droits sociaux font tourner l’économie émiratie. Saverglass a souhaité mettre en valeur cette main d’œuvre. Pendant plusieurs mois, la société a recruté et formé 150 techniciens du verre (sur 800 candidatures) en Inde, aux Philippines et au Sri Lanka. Vivant dans un bâtiment tout neuf collé à l’usine, les ouvriers gagnent environ 300 dollars par mois et travaillent 8 heures par jour, six jours sur sept. Un ouvrier du BTP lui peut travailler jusqu’à 70 heures par semaine pour un salaire trois fois inférieur. Si le gouvernement de Ras Al Khaimah n’impose aucune restriction quant à l’embauche des expatriés quel que soit leur pays d’origine et facilite l’obtention de visas, les techniciens de Saverglass sont obligés de rentrer chez eux tous les onze mois. "C’est avec le renouvellement de visas, qui coute 1500 dollars, que l’argent rentre dans les caisses de l’Etat", éclaircit le PDG. "Mon cher Loïc, nous sommes honorés d’avoir votre entreprise chez nous ! a assuré l’émir en s’adressant au président de Saverglass. Les Emirats sont une destination où vous réussirez et où vous prospérerez." On veut bien le croire !