Exil fiscal : qui sont ces candidats au départ

, par Michel DECAYEUX

2012 Le Parisien

Avéré depuis des années, le phénomène d’exil fiscal est néanmoins mal documenté. Le point sur ce que l’on (ne) sait (pas) sur ces Français fuyant le fisc à l’étranger.

Combien de contribuables quittent le pays ? Les rares données disponibles concernent les contribuables assujettis à l’ISF. Ainsi, ils étaient 717 à quitter le pays en 2010. Soit 0,12% des redevables de l’ISF. Un chiffre modeste, sauf que, derrière, c’est près de 1 Md€ de patrimoine (actions, etc.) qui, potentiellement, a échappé au Trésor public cette année-là. Le député PS Yann Galut, qui présidera une commission d’enquête sur l’exil fiscal, chiffre à 8 Mds€ le montant des capitaux ainsi délocalisés. Combien sont-ils, depuis 2010, à avoir quitté le pays ? Impossible de le savoir précisément. Le député PS Philippe Cordery estime que sur les 200000 ressortissants vivant en Belgique, 1500 à 2000 se sont expatriés pour des raisons fiscales. Pour le reste, on ne dispose que de faisceaux d’éléments. Depuis plusieurs mois, les candidats à l’exil se seraient multipliés à en croire plusieurs fiscalistes spécialistes. « En 2012, trois de mes clients sont partis en Suisse, deux au Luxembourg et quatre en Belgique », certifie l’un d’eux. Quel crédit donner à ces affirmations ? Difficile à dire. D’où la demande faite au gouvernement par l’UMP Gilles Carrez de comptabiliser chaque année les départs et les retours de contribuables français (c’est le cas par exemple de l’écrivain Michel Houellebecq, revenu vivre en France après un exil en Irlande). Qui sont-ils ? Des stars de cinéma, à l’image de Gérard Depardieu (Belgique), des hommes d’affaires comme Paul Dubrulle, cofondateur du groupe Accor (Suisse). Récemment, un autre public, plus anonyme, montre de l’appétit pour l’expatriation. « Auparavant, les contribuables y réfléchissaient à partir d’un patrimoine de 10 M€. Aujourd’hui, la question se pose dès 3 M€ », avance Olivier Grenon Andrieu, président d’Equance, société de gestion privée.

Que fuient-ils ? L’alourdissement de la fiscalité : nouveau barème de l’ISF, imposition des plus-values, taxe à 75% sur les revenus dépassant le million d’euros, la hausse régulière des prélèvements sociaux… La pression fiscale atteint un niveau record. Surtout, nombre de gros contribuables sont fatigués du changement perpétuel — sous la gauche comme sous la droite — des règles d’imposition.

Où trouvent-ils refuge ? Les principales destinations sont des pays frontaliers. Chacune a sa spécialité. Les créateurs d’entreprise, soucieux d’éviter les coûteuses taxes sur les plus-values, regarderont du côté de la Belgique. Un pays qui taxe lourdement les revenus mais épargne les plus-values et le patrimoine. Les patrons à la recherche de faibles impôts sur les sociétés regarderont, eux, vers l’Angleterre. Un pays qui réserve aussi un statut de résident fiscal très avantageux pour les étrangers. Et les gros portefeuilles à la retraite se tourneront dans un canton suisse proposant le fameux « forfait fiscal ».