Victimes de la rigueur, les fonctionnaires vont subir un tour de vis sur les salaires

, par Michel DECAYEUX

Les échos le 2 juillet 2012

Dans les lettres de cadrage envoyées jeudi, Jean-Marc Ayrault demande à ses ministres une « stabilisation en valeur des dépenses de personnel » et une « réduction de moitié des crédits réservés aux mesures catégorielles » à l’horizon 2015.

La gauche était soupçonnée de ne pas vouloir en faire assez dans la réduction des dépenses. Elle est maintenant accusée d’en faire trop par certains, depuis l’annonce, jeudi, d’économies très contraignantes sur le budget de l’Etat (- 7 % sur les dépenses de fonctionnement et une partie des dépenses d’intervention l’an prochain). La droite juge l’objectif irréaliste : « Ces économies ne sont possibles que si l’on s’attaque aux prestations sociales », estime le président de la commission des Finances de l’Assemblée Gilles Carrez (UMP). En érigeant comme priorités l’éducation, la sécurité et la justice, le gouvernement fait peser sur les autres ministères des objectifs hors de portée, ajoute-t-il en dénonçant une « forme d’omerta ».

Jean-Marc Ayrault n’a effectivement pas tout dit de ses intentions : les lettres de cadrage qu’il a envoyées aux ministres - et dont « Les Echos » ont pris connaissance -fixent une autre règle très contraignante : elles exigent de « stabiliser en valeur les dépenses de personnel », un objectif qui implique un tour de vis sur la rémunération des fonctionnaires. Le gel du point d’indice, permettant de calculer le salaire des agents, n’est pas explicitement évoqué car le gouvernement a promis de négocier sur ce point lors de la conférence sociale. Mais si Matignon entend réellement stabiliser la masse

salariale, sans réduire les effectifs, la poursuite du gel du point d’indice (entamé l’an dernier) est incontournable, comme le rappelait récemment la Cour des comptes. D’autant que, avec les avancées dans les carrières, la masse salariale a tendance à progresser « naturellement ». Sauf à geler aussi ces avancements... D’ici à 2015, les ministères devront également parvenir à une « réduction de moitié des crédits réservés aux mesures catégorielles », c’est-à-dire les augmentations accordées aux agents en échange de gains de productivité (une autre préconisation de la Cour). Elles représentaient 600 millions l’an dernier et encore 530 millions cette année et devront donc peser pour moins de 300 millions par an à compter de 2015. Ces mesures étaient jusqu’alors présentées comme la contrepartie du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Elles ont beaucoup profité aux enseignants, aux policiers et aux cadres. Elles seront désormais « destinées prioritairement à l’atténuation des inégalités salariales », indiquent les lettres et devraient se concentrer sur le bas de l’échelle. La pression sur les salaires va renforcer les critiques des syndicats, déjà échaudés par les suppressions de postes dans les ministères non prioritaires : « 

On veut déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais c’est impossible parce que les deux sont déjà en slip ! », fustige FO.

Les salaires de la fonction publique d’Etat sont calculés en fonction d’une grille qui définit la rémunération principale, selon l’échelon hiérarchique et l’ancienneté. Chaque agent de l’Etat possède un indice, qui définit la base de son traitement, auquel s’ajoutent ensuite des primes et indemnités. Le point d’indice, commun à tous les fonctionnaires de l’Etat, est en général revalorisé chaque année pour tenir compte de l’inflation. Mais après avoir été augmenté de 0,8 % chaque année entre 2007 et 2009, puis de 0,5 % en 2010, il a été gelé "en valeur" en 2011 et 2012. La politique de M. Ayrault rejoint donc sur ce point celle de François Fillon Toutefois, le point d’indice ne compose pas l’essentiel de l’évolution de la rémunération des fonctionnaires : 31 % de la masse salariale globale de la fonction publique est due à la grille indiciaire, contre 53 % pour des mesures individuelles.