Ces entreprises qui espionnent leurs salariés

, par Michel DECAYEUX

L’Expansion. le 02/03/2012

Caméras miniatures, micros cachés, piratage informatique... Tout est bon pour les employeurs lorsqu’ils ont décidé d’en savoir plus sur la vie privée de leurs salariés. D’Ikea à Carrefour, en passant par France 24 et Air France, retour en images sur les plus gros scandales.

Ikea

Ikea France est suspecté d’avoir eu accès à des informations confidentielles sur certains de ses salariés et clients râleurs, une affaire révélée par le Canard enchaîné, ce 29 février. La filiale française du géant suédois de l’ameublement aurait fait appel à des officines spécialisées pour obtenir, moyennant finance, des renseignements sur les antécédents judiciaires, policiers ou sur les comptes en banque de salariés ou de clients en litige avec l’enseigne. Après ces révélations, Ikea France a mis "en disponibilité" un de ses salariés et lancé une enquête interne afin de "faire toute la lumière sur ces accusations de surveillance". Et du côté judiciaire, le parquet de Versailles a ouvert jeudi une enquête préliminaire à la suite de la plainte déposée par le syndicat FO de Seine-Saint-Denis "pour utilisation frauduleuse de données personnelles" contre Ikéa France.

Disneyland Paris

Le groupe Euro Disney est poursuivi en justice, avec trois ex-gendarmes, pour avoir enquêté illégalement sur des candidats à l’embauche entre 1998 et 2004. C’est la direction elle-même qui avait porté plainte en décembre 2004 lorsqu’elle avait eu connaissance d’une convention passée par l’équipe de direction antérieure avec une officine de renseignement. Les militaires, sont accusés d’avoir revendu des extraits de fichiers de police sur les antécédents judiciaires de milliers de postulants. Et Euro Disney comparaîtra pour "recel" de ces mêmes infractions. La date du procès n’est pas encore connue.

France 24 - RFI

Au coeur du conflit entre Alain Pouzilhac, président de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF), l’entité qui englobe France 24, RFI, et son numéro deux Christine Ockrent, éclate une sombre affaire d’espionnage découverte en septembre 2010. On retrouve alors dans les ordinateurs de deux salariés, présentés comme étant des proches collaborateurs de Christine Ockrent, plus de 900.000 messages et plus de 2 millions de fichiers issus des ordinateurs de différents dirigeants de l’AEF, dont son président Alain de Pouzilhac. Ce piratage organisé, qui avait bénéficié des services d’un prestataire informatique extérieur, durait depuis déjà deux ans. Christine Ockrent dément très vite tout lien avec les salariés incriminés. Mis à pied dès que l’affaire a été découverte, ils ont été mis en examen en janvier 2012.

Air France

En août 2010, un salarié licencié pour fraude accuse la compagnie aérienne d’avoir mis sur pied un système de surveillance informatique. Un an plus tôt, Air France découvrait que les billets d’avion à tarif préférentiel dont bénéficient ses salariés faisaient l’objet d’une série de trafics. Le salarié qui suspecte Air France d’espionnage était alors licencié pour avoir fait profiter 73 personnes de 118 billets émis sur le quota d’autres salariés. Et au moment de son passage en conseil de discipline, il découvrait que la direction avait constitué un fichier des passagers et de ses collègues concernés, avec leurs noms, numéros de téléphone portable et de carte bleue. La direction juridique a récusé les accusations de traitements organisés de données personnelles. Elle a reconnu simplement qu’"une petite dizaine" d’enquêtes ont été réalisées "par des humains" après des "dénonciations".

Carrefour

En janvier 2006, deux anciens agents de sécurité de Carrefour révèlent dans un reportage de France 3 que l’enseigne leur avait confié des "missions illégales" d’enquêtes sur la vie privée des salariés, et de pièges tendus aux employés pour les renvoyer. Dans son ouvrage "Flic de supermarché", l’un d’eux donne tous les détails du système de "flicage généralisé". Placés sous les ordres des responsables de sécurité des magasins, ils espionnent les salariés et clients à l’aide de caméras dissimulées jusque dans les toilettes, et de micros dans les voitures de location. Après ces accusations, Carrefour a mené un audit dans 179 magasins. Et il conclut que rien d’illégal n’a été relevé dans les méthodes de surveillance du personnel.

Lidl

Nos voisins d’outre-Rhin ne sont pas en reste, ils n’hésitent pas non plus à franchir les limites de la légalité pour espionner leurs salariés. En 2008, le magazine allemand Stern dévoile une vaste affaire d’espionnage au sein du distributeur Lidl. De 2006 à 2007, la direction du groupe a engagé des détectives privés chargés de lui rapporter les moindres faits et gestes de ses employés, dans le but, "officiellement" de lutter contre les vols. La vie privée des salariés de quelque 220 magasins a été épiée au quotidien à l’aide caméras miniatures. Depuis, Lidl a reconnu les faits. Il a promis à ses employés le libre accès aux informations qu’il détient sur leur vie privée. Il leur a en outre versé une prime exceptionnelle de 300 euros pour les remercier de leur fidélité malgré le scandale. Deutsche Bahn, Airbus Allemagne ou encore Deutsche Telekom ont eux aussi été épinglés pour avoir espionné leurs personnels ou candidats à l’embauche.