Un ancien Continental se jette sous le train

, par Michel DECAYEUX

le 17.01.2012 Le parisien

Il avait 43 ans et était père d’un enfant de 7 ans. Hier matin, il a choisi de mettre fin à ses jours près de l’usine où il a longtemps travaillé.

« A 8h30, il a emmené son fils de 7 ans à l’école. Puis il est venu chez moi, peu avant 9 heures, acheter un paquet de cigarettes. Il est reparti, et j’ai appris, quelques heures plus tard, qu’il s’était suicidé. » Jacky Petit, le patron du café Au bon coin, à Clairoix, près de Compiègne, où les anciens salariés de Continental — l’usine de pneus fermée depuis mars 2009 —, ont encore leurs habitudes, est donc le dernier à avoir vu Michel Letupe vivant. Ce dernier, à 43 ans, a décidé de mettre fin à ses jours.

Une vingtaine d’années d’ancienneté

« Il a pris sa voiture et est allé la garer près d’un passage à niveau, à 500 m de l’ex-usine Continental, explique un habitant de Clairoix. Puis, à 9h10, il s’est rendu à pied sur la voie, s’est placé en plein milieu, et a attendu que le train passe. » Le Paris-Saint-Quentin, parti à 8h7 de la capitale, et qui venait de redémarrer de la gare de Compiègne, n’a pu éviter le désespéré. Michel Letupe avait travaillé une vingtaine d’années chez Continental. Comme les 1120 autres salariés, il avait été licencié voici bientôt trois ans. Mais, d’après un proche, « il ne s’était jamais impliqué dans le processus de reclassement. Il s’était inscrit à Pôle emploi et touchait des indemnités de chômage. Il n’avait jamais retrouvé de travail depuis la fermeture de l’usine ».

Aucune lettre d’explication

Les enquêteurs n’ont pas retrouvé de lettre laissée par l’ex-Conti. Ni près de son corps, ni dans sa voiture, ni chez lui. On ne connaît donc pas les motivations exactes de son geste. « Mais, comme le souligne un proche, il s’était séparé de sa compagne voici plus de trois ans. Il avait déjà eu du mal à le supporter. Et la fermeture de Continental, par là-dessus, n’avait pas arrangé les choses. De plus, on savait qu’il connaissait des difficultés financières. On peut penser que, s’il avait encore eu du boulot, il ne se serait pas jeté sous le train. » Et de poursuivre : « Michel était plutôt taciturne. Il parlait peu. D’ailleurs, pendant le conflit social, on l’avait peu vu. Il était venu à plusieurs manifs, puis il s’était fait discret. Il venait souvent acheter son tabac chez Jacky. On le trouvait parfois un peu triste, mais de là à imaginer qu’il allait faire ça. »

Hier soir, l’ex-compagne de Michel Letupe est allée chercher leur fils à l’école communale de Clairoix. Elle a dû lui expliquer que son papa ne reviendrait plus jamais. Il sera inhumé à Clairoix, jeudi à 15 heures.