Travail au noir : la fraude des entreprises serait proche de 7 milliards d’euros

, par Michel DECAYEUX

04 Avril 2016 AFP le Parisien/ les échos

La fraude sociale des entreprises serait de l’ordre de 7 milliards d’euros en 2015 selon Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss)

La fraude des entreprises dans le versement des cotisations de Sécurité sociale aux retraites complémentaires Agirc-Arrco ou encore à l’Assurance chômage serait comprise entre 6,1 milliards et 7,4 milliards d’euros en France. Cette somme, qui représente 2% du total des cotisations, est selon l’étude dévoilée par les Echos de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), qui pilote le réseau des Urssaf, trois à quatre fois inférieure à la fourchette de 20,1 à 24,9 milliards d’euros calculée par la Cour des comptes en octobre 2014 pour l’année 2012.

Dans le même temps, les contrôles administratifs sont de plus en plus pointus grâce au croisement de plus en plus systématique des données de la déclaration sociale nominative ou également à la coordination entre l’Inspection du travail, le fisc, l’Office de lutte contre le travail illégal... Au total, les redressements pour travail dissimulé ont augmenté de 13% en 2015 pour atteindre le chiffre record de 460 millions d’euros. « Le taux de redressement pour une action de contrôle pour travail dissimulé a atteint 87%. Ceci représente cinq points de plus que l’année précédente quand le taux avait augmenté de trois points », précise l’Acoss sur son site internet.

Toutefois, toutes les fraudes des entreprises ne sont pas forcément volontaires. Face aux contraintes administratives dans les déclarations des charges sociales, les entreprises peuvent parfois se perdre. Dans ce cas, elles ne sont pas obligées de payer de pénalités en plus des sommes redressées. Ces redressements au titre du «  contrôle comptable d’assiette  » se sont élevés à 870 millions d’euros en 2015, contre 887 millions l’année précédente.

Il y a même des entreprises qui, du fait des erreurs commises, paient trop de charges sociales : en 2015, on leur a restitué un montant record de 189 millions d’euros contre 135 millions en 2014.

En 2015, les redressements pour travail dissimulé ont encore augmenté de 13 % à 460 millions d’euros.

Ouf ! Les entreprises ne sont pas si immorales que ça, et les contrôles administratifs sont bien plus efficaces qu’on ne le croyait. L’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), qui pilote le réseau des Urssaf, publie pour la première fois sa propre estimation du montant de la fraude sociale « réelle », fruit de quatre ans d’enquête sur le terrain et de travaux minutieux. Et ça décoiffe : selon nos informations, les montants de prélèvements sociaux qui auraient dû être payés mais ne l’ont pas été s’élèvent entre 6,1 et 7,4 milliards d’euros par an. Une somme certes considérable, mais guère plus de 2 % du total des cotisations. Surtout cette nouvelle évaluation est trois à quatre fois inférieure à la fourchette de 20,1 à 24,9 milliards d’euros calculée par la Cour des comptes en octobre 2014 pour l’année 2012. Pourtant, le champ de l’étude est exactement le même : il balaie large, des cotisations de Sécurité sociale aux retraites complémentaires Agirc-Arrco en passant par l’assurance-chômage, fraude involontaire ¬comprise. En 2014, l’Acoss s’était élevée contre les chiffres effrayants de la Cour, sans rapport avec la précédente estimation réalisée par le ¬Conseil des prélèvements obligatoires en 2008 (8 à 14 milliards d’euros). En fait, tous deux avaient extrapolé un chiffre à partir de la fraude détectée et des taux de redressements constatés. Or ces derniers ne cessent de croître car les Urssaf sont de plus en plus fortes pour cibler les tricheurs.

460 millions d’euros de redressement pour travail dissimulé les échos

Ainsi, en 2015, selon nos informations, le taux de redressement pour une action de contrôle pour travail dissimulé a atteint 87 %, quasiment 5 points de plus qu’en 2014. Déjà, cette année-là, il avait crû de 3 points en un an. Résultat, les redressements pour travail dissimulé ont battu un nouveau record, à 460 millions d’euros en 2015 ¬contre 401 millions l’année précédente. La hausse en valeur absolue est de 13 %, alors qu’elle était déjà phénoménale l’année précédente (+ 25 %). Assurément, la police des prélèvements sociaux met pleinement à profit ses nouvelles méthodes de travail : croisement de plus en plus systématique des données grâce à la déclaration sociale nominative, coordination avec l’Inspection du travail, le fisc, l’office de lutte contre le travail illégal, souci apporté à l’enquête de terrain… Seul problème : quand le ciblage s’améliore et suscite de grosses prises, les projections de fraude réelle deviennent de plus en plus vertigineuses si on ne change pas l’outil de mesure. D’où l’initiative de l’Acoss. L’Agence a cherché à savoir quelle était la « prévalence » de la fraude sociale en faisant réaliser par les services de recouvrement des ¬contrôles aléatoires dans le BTP, l’hôtellerie-restauration, les gardiens de nuit… Elle publie ainsi des coups de projecteur sur un secteur chaque année. L’étude qu’elle doit présenter prochainement est réalisée à partir d’un échantillon beaucoup plus large d’entreprises, dans l’industrie, le commerce de gros et de détail, les services administratifs et financiers, les arts et spectacles, les salons de coiffure, etc. Soit environ 50 % du secteur privé, à l’échelle nationale. L’Acoss devrait d’ailleurs rééditer l’opération afin de savoir si la fraude réelle baisse au fil du temps – ce qui serait logique avec un gendarme qui fait de plus en plus peur.

Pas de pénalités systématiques

Heureusement, d’ailleurs, il n’y a pas que des fraudeurs dans le filet du contrôleur. Il y a aussi beaucoup d’entreprises qui s’emmêlent les pinceaux avec leurs charges sociales. Celles-là ne sont pas systématiquement en « infraction ». Sauf à être des récidivistes, elles ne sont donc pas obligées de payer une pénalité en plus des sommes redressées, qu’elles devaient de toute façon à la Sécurité sociale. Les redressements au titre du ¬«  contrôle comptable d’assiette  » se sont ainsi élevés à 870 millions d’euros en 2015, contre 887 millions l’année précédente. Cette baisse ne signifie pas que la pêche est moins bonne. Au contraire, le taux de redressement dans le contrôle comptable d’assiette grimpe de près de 2 points à 67 % en 2015. Il y a même des entreprises qui paient trop de charges sociales : en 2015, on leur a restitué un montant record de 189 millions d’euros, ¬contre 135 millions en 2014. Avaient-elles oublié de prendre en compte les nouveaux allégements au titre du pacte de responsabilité ? Ou bien leur logiciel de paie n’était-il pas à jour ? Ce sont des pistes d’explication