Représentativité patronale : l’U2P veut en découdre avec le Medef et la CGPME

, par Michel DECAYEUX

25.11.2016 L’express

Maintenant que les libéraux de l’Unapl ont rejoint les rangs des artisans de l’UPA, l’U2P, qui résulte de cette union, veut retrouver la place qu’elle estime mériter dans les instances de dialogue social. La CGPME ne l’entend pas de cette oreille.

"On vend beaucoup de sirop en ce moment, il y en a qui tousse !", lançait, en se moquant gentiment du Medef et de la CGPME, Patrick Liébus, le président de la Capeb (une des composantes de l’UPA), ce 24 novembre. L’U2P, la nouvelle Union des entreprises de proximité réunissant désormais les membres de l’UPA (artisans) et de l’UNAPL (professions libérales), organisait une conférence de presse pour présenter ses objectifs. A cette occasion, les organisations de Pierre Gattaz et de François Asselin, aujourd’hui majoritaires, en ont pris pour leur grade.

"Les strapontins, c’est fini. On va prendre la place qui est la nôtre". Patrick Liébus semblait savourer d’avance le très probable rééquilibrage des forces patronales en présence dans les organisations paritaires. La mesure de la représentativité patronale prévue en 2017, qui prendra en compte le nombre d’entreprises adhérentes, et le nombre de salariés représentés au total, pourrait en effet fortement rebattre les cartes.

Des "répercussions" à attendre

L’U2P dit représenter deux tiers des entreprises hexagonales et 25% des salariés. Avec l’arrivée du syndicat des professions libérales aux côtés de l’UPA, l’organisation patronale longtemps reléguée à un rôle de spectateur dans les instances de dialogue social, devrait voir sa présence et son rôle légitimé. "Notre union aura forcément des répercussions en termes de postes, s’est félicité Michel Chassang, président de l’Unapl. La progression devrait aussi se voir s’agissant du financement." "Sur l’échelle de cette représentativité, le Medef est aujourd’hui à 6, la CGPME à 3, et l’UPA à 1, a rappelé le président de l’U2P Jean-Pierre Crouzet. Quand j’entends certains sortir des chiffres sur le nombre d’entreprises qu’ils représentent, je me dis qu’il y a quelques zéros en trop !".

La CGPME ne se laissera pas faire

La partie n’est pas gagnée pour autant. La CGPME a d’ores et déjà sorti ses arguments juridiques, pour freiner l’U2P dans ses ambitions. La guerre est déclarée. Selon le syndicat, le décret qui organise la prochaine mesure de la représentativité prévoit d’apprécier cette dernière au 31 décembre 2015, or, à cette époque, l’Unapl n’était pas encore adhérente de l’UPA. Il ne peut y avoir de "prise en compte rétroactive" des entreprises adhérentes, estime-t-elle. Par ailleurs, elle juge que l’Unapl n’appartient pas à l’un des quatre secteurs que sont le commerce, l’industrie, le service et la construction et que par conséquent, elle ne peut prétendre à un caractère interprofessionnel. Quand bien même ce serait le cas, elle ne pourrait pas "candidater à la représentativité patronale dans les champs multi professionnels et interprofessionnels", prétend-elle. Du côté de l’Unapl, on rit : "Vous savez, nous avons quand même par essence quelques juristes au sein de notre organisation, qui ont bordé les choses !", pointe Michel Chassang. "Toutes ces arguties témoignent de l’intérêt qu’ont les organisations aujourd’hui majoritaires à nous maintenir en deuxième division ! "

Une volonté de peser sur le politique

Les représentants des "petits" entrepreneurs de proximité tiennent à faire savoir que leur union n’est ni artificielle ni opportuniste. "Dès 2013, nous avons signé un protocole d’accord pour plancher ensemble sur un certain nombre de sujets, rappelle Jean-Pierre Crouzet. Ce fut le cas pour la loi Travail et la loi Sapin 2." Les forces en présence au sein de l’U2P estiment avoir des intérêts communs. Ils considèrent tous que la norme sociale et fiscale produite aujourd’hui est faite pour les grandes entreprises, et que les TPE sont les grandes oubliées. En créant leur nouveau mouvement aujourd’hui, elles espèrent avant tout peser sur les programmes des candidats à la présidentielle de 2017, et influer sur les députés.

"La représentativité, c’est une chose. Mais n’oublions pas l’aspect économique qui sous-tend notre union", a insisté Pierre Martin, président de la Confédération Nationale de l’Artisanat des Métiers de Service et de Fabrication (CNAMS). Formation des jeunes, réforme du code du travail, lutte contre l’instauration du prélèvement à la source... Les combats à mener ne manquent pas.