Loi Travail : « Valls est un pyromane », accuse Mailly

, par Michel DECAYEUX

20 juin 2016 Le Parisien

Au Premier ministre qui appelle les syndicats à annuler les défilés de cette semaine, Jean-Claude Mailly, le patron de FO, répond « pas question ».

« Les organisateurs devraient annuler eux-mêmes ces rassemblements. » Manuel Valls, dans un entretien au « Journal du dimanche » hier, a appelé la CGT, FO et les cinq autres syndicats anti-loi Travail à renoncer aux deux journées de mobilisation prévues les 23 et 28 juin. Selon nos informations, ces derniers ont pourtant fait leurs demandes. Celle pour Paris est déjà sur le bureau du préfet et prévoit un défilé allant de Bastille à Nation. Comme Philippe Martinez, son homologue de la CGT, Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, adresse une fin de non-recevoir au Premier ministre : « Si Manuel Valls ne veut plus de manifestations, qu’il se montre ouvert. »

Manuel Valls appelle les syndicats au « bon sens » et leur demande d’annuler les rassemblements prévus cette semaine. Que répond FO ?

JEAN-CLAUDE MAILLY. Nous maintenons les appels aux rassemblements et manifestations prévus les 23 et 28 juin. Je retourne l’argument au Premier ministre : le bon sens aujourd’hui, c’est qu’il examine clairement les propositions déposées sur la table, notamment par FO. Voilà ce qui, selon moi, permettrait une sortie par le haut et sonnerait l’arrêt des mobilisations.

Que ferez-vous si la préfecture décide d’interdire les défilés prévus, à Paris notamment ? Pour le moment, ce n’est pas le cas. Nos unions régionales sur Paris sont en contact, comme d’habitude, avec la préfecture. Nous n’avons aucune information allant dans le sens d’une interdiction.

L’exécutif met en avant les risques de violences et les défaillances des services d’ordre lors du défilé du 14 juin...

L’exécutif mélange deux choses. Nous sommes responsables en tant qu’organisations syndicales, avec nos services d’ordre, du cortège en tant que tel. Cela veut dire de la tête à la fin du cortège, clairement délimité et encadré par nos services d’ordre. Tout ce qui est en dehors de la manifestation relève des forces de l’ordre. Je n’incrimine pas les policiers, dont le travail n’est pas facile. Mais nous ne sommes pas responsables des problèmes qui ont eu lieu devant le carré de tête, notamment lors de la manifestation du 14 juin. Quand des jeunes facilement repérables parce qu’ils ont des casques, des gants, un sac à dos, veulent entrer dans le cortège, on les en empêche. Ce qu’ils font alors, c’est qu’ils remontent le cortège et se mettent devant.

Que disent vos syndiqués FO dans la police ?

Nous savons bien, y compris par des témoignages, que les forces de l’ordre n’ont pas toujours des consignes très claires. Parfois, elles pensent qu’elles pourraient intervenir mais elles n’ont pas les consignes pour le faire !

Le 14 juin, les images ont montré un nombre impressionnant de casseurs... Si nous, nous les repérons, nous ne sommes pas les seuls ! Ceux qui étaient repérables, pourquoi ont-ils pu continuer à agir ? Voilà la question qui mérite d’être posée. Cela nous discrédite d’ailleurs car le lendemain on parle plus des casseurs que de la loi Travail. Nous n’avons pas attendu Manuel Valls pour condamner les violences, y compris quand il y en a chez certains manifestants. De la même manière qu’il peut y avoir des bavures dans la police, il peut aussi y en avoir dans nos rangs et nous les condamnons. Notre rôle est de rappeler qu’on manifeste dans le calme.

Pourquoi l’exécutif accuse-t-il la CGT de tous les maux et pas FO ?

Peut-être cherche-t-il une tête de Turc. C’est une question qu’il faut poser à Matignon et à l’Elysée. Moi je ne suis pas dans un combat de coqs avec les uns et les autres.

Une interdiction de manifester entraînerait-elle un casus belli avec le gouvernement ?

Ce serait assez incroyable que des manifestations à l’appel de confédérations syndicales soient interdites. Cela poserait un sacré problème de démocratie. C’est un droit fondamental que le droit de faire grève. Interdire une manifestation parce qu’il peut y avoir des risques à côté de la manifestation ? Que les forces de l’ordre aient les bonnes consignes ! Et nos services d’ordre feront leur travail. Le mieux, si Manuel Valls ne veut plus de manifestations, c’est qu’il se montre ouvert. A chaque fois que le Premier ministre intervient, prend la parole dans les médias, il se comporte en pyromane au lieu d’apaiser la situation. Cela peut conduire certains à être énervés.

Espérez-vous une intervention de l’Elysée ? Il faut les bons capteurs pour bien comprendre ce qui se passe dans le pays. Or je crains qu’ils soient déficients. Ils sont dans une tour d’ivoire. Comme Matignon, l’Elysée est un endroit qui isole. Il y a deux possibilités. La première, une discussion réelle s’engage, le texte bouge à l’Assemblée et sera suivi d’un vote. L’autre option, ce que répète le Premier ministre : on ne touche à rien et un nouveau recours au 49-3 s’impose à l’Assemblée. Si c’est ce scénario qui l’emporte, il va y avoir de l’amertume chez les salariés. A la rentrée, lors des déplacements de ministres, lorsque la campagne électorale démarrera, les gens réagiront, j’en suis persuadé. Et les manifestations continueront. Ceux qui pensent le contraire se trompent.