Loi El Khomri : ce que veut sauver le patronat </font<

, par Michel DECAYEUX

LE 03-03 LES ECHOS

Reçu ce jeudi par la ministre du Travail, le Medef espère conserver l’essentiel des mesures de flexibilité prévues dans l’avant-projet de loi sur la réforme du Code du travail

L’occasion est trop belle pour la laisser passer. Côté patronat, cela fait longtemps qu’on attend un texte comme celui de l’avant-projet de loi El Khomri. Même si aucun responsable patronal ne le dira officiellement, la copie du gouvernement est considérée comme une vraie rupture par rapport au droit existant et le fait de redonner des marges de manœuvre à la négociation en entreprise est une philosophie que le Medef défend depuis longtemps.

Avec une réserve près tout de même : les PME et TPE auraient préféré que les accords de branche gardent une place plus importante pour limiter les effets de concurrence entre les entreprises d’un même secteur.

Accepter certains aménagements

La ministre du Travail reçoit ce jeudi Pierre Gattaz le président du Medef, et François Asselin, celui de la CGPME. Toute la difficulté pour le Medef et ses partenaires est de préserver les grandes lignes de la réforme tout en acceptant certains aménagements. On s’en doute, ce sont les points qui choquent le plus les syndicats que le patronat veut conserver, mais en envisageant tout de même de bouger certains curseurs

C’est le cas du barème des indemnités supra-légales aux prud’hommes . Côté employeurs, et notamment pour les PME et TPE, ce sont pour les salariés dont l’ancienneté est comprise entre deux et cinq ans que les enjeux sont les plus forts. Pas question donc d’augmenter le plafond, fixé à six mois, sur cette tranche. Certains responsables patronaux espèrent même le faire encore baisser, ce qui est peu vraisemblable La ministre du Travail, Myriam El Khomri reçoit ce jeudi Pierre Gattaz le président du Medef.

. En revanche, le plafond fixé à quinze mois pour les salariés ayant plus de vingt ans d’ancienneté n’est guère élevé au regard des exemples étrangers (jusqu’à 24 mois en Allemagne et en Italie, par exemple). Le patronat pourrait donc lâcher du lest sur ce point.

La partie sera plus compliquée sur le périmètre des licenciements économiques . La CFDT veut éviter à tout prix que des grands groupes internationaux puissent procéder par ce biais à des licenciements boursiers en France, en mettant leur filiale dans l’Hexagone en perte alors que les autres filiales sont florissantes à l’étranger. Ce que le texte rend effectivement possible. Côté patronat, on fait valoir que ces dérives seront minoritaires au regard du nombre d’employeurs qui pourront au contraire embaucher plus facilement en France, voire relocaliser certaines activités, s’ils savent qu’ils pourront adapter leurs effectifs plus facilement en cas de retournement du marché.

Un autre sujet de discussion porte sur la possibilité donnée à l’employeur d’imposer unilatéralement (faute d’accord) le forfait jour dans les entreprises de moins de 50 salariés, ou encore l’annualisation du temps de travail. Pour les syndicats, cette décision unilatérale de l’employeur va à l’opposé de la philosophie de la réforme qui vise à renforcer le dialogue avec les syndicats. Une évidence que peut difficilement nier le patronat mais l’obligation de négocier se heurte, selon les dirigeants de PME, à l’absence de délégués syndicaux dans leurs entreprises. Pour les grandes entreprises, il ne serait pas très pénalisant de renoncer à ces deux possibilités. En revanche, la CGPME et l’UPA, qui défendent les PME-TPE, ne l’entendent pas de cette oreille.

Un important pouvoir d’interprétation

Le point le plus délicat pour le Medef reste l’introduction des 61 grands principes du droit définis par la commission Badinter et qui figurent en préambule du projet de loi . « Les principes Badinter doivent servir de guide de réécriture du Code du travail. Mais en faire un préambule dans la loi est philosophiquement incompatible avec la logique de la réforme telle que l’a dessiné le rapport Combrexelle », fait-on valoir au Medef.

Ces principes très généraux, s’ils figurent dans la loi, donneront un pouvoir d’interprétation aux juges qui sera bien plus important qu’aujourd’hui, estime le patronat. Du coup, « plus aucun DRH ne voudra prendre le risque de négocier un accord en entreprise qui pourra être contesté aussi facilement devant les tribunaux », conclue un responsable patronal.