Le nombre de chômeurs de 60 et 61 ans a plus que doublé en 7 ans

, par Michel DECAYEUX

10/10/2016 AFP et Les échos

Le nombre de personnes âgées de 60 ans et 61 ans bénéficiant d’une indemnité chômage est passé de 38.000 en 2008 à 88.000 en 2015. Le recul de l’âge de la retraite explique en partie cette hausse.

Plus que le recul de l’âge de la retraite, la réforme des retraites a provoqué une hausse du nombre de chômeurs seniors. Instaurée dans la réforme de 2010, le recul de l’âge de la retraite a généré une multiplication par deux du nombre de chômeurs indemnisés de 60 et 61 ans et plus entre 2008 et 2015, selon une étude de l’Unedic citée par le Conseil d’orientation des retraites (COR). Selon ce rapport sur lequel se base le COR, chargé de faire des propositions pour assurer la solidité financière des régimes de retraite, et consulté par l’AFP, le nombre de personnes âgées de 60 ans bénéficiant d’une indemnité chômage est passé de 20.000 en 2008 à 50.000 en 2015 et pour celles âgées de 61 ans de 18.000 à 38.000. « Cette évolution s’explique tout d’abord par une forte augmentation des nouveaux allocataires à ces âges ». Le flux d’allocataires à 60 ou 61 ans a en effet triplé, passant de 10.000 en 2008 à environ 30.000 en 2015, écrit le COR dans un document consulté par l’AFP. « Avant 2010, ce flux correspondait uniquement aux allocataires ne disposant pas de la durée d’assurance requise pour liquider au taux plein, même en ayant atteint l’âge légal. Avec la réforme, se sont ajoutées les personnes éligibles à l’assurance chômage avant le nouvel âge légal d’ouverture des droits à la retraite », fixé aujourd’hui à 62 ans, souligne-t-il. Cette hausse s’explique également par les personnes attendant de liquider leurs droits au taux plein, qui « sous l’effet du relèvement de la durée d’assurance et l’âge légal, doivent attendre plus longtemps ». Ainsi, en 2008, 57% des allocataires sortant d’indemnisation à 60 ans partaient à la retraite. En 2015, ils étaient 46% âgés de 61 ans à partir à la retraite à la fin de leur indemnisation chômage

Effet indirect sur les allocataires de 57 à 59 ans

En outre, la réforme de 2010 a eu un effet indirect sur les allocataires de 57 à 59 ans, notamment pour les fins de contrat de travail après une rupture conventionnelle ou un licenciement. Avant 2010, le pic des ouvertures de droit à indemnisation chômage se situait à l’âge de 57 ans - soit l’âge à partir duquel, après trois années d’indemnisation, une personne pouvait liquider sa retraite. Avec le report de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans, le pic s’est décalé vers 59 ans. Selon une autre étude, du Trésor cette fois-ci, produite à la demande du COR et consultée par l’AFP, le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite mènerait, pour chaque année de report, à une hausse du produit intérieur brut (PIB) de 0,7 point et à la création de près de 200.000 emplois à long terme.

Selon les simulations du Trésor, « la diminution du nombre de retraités et la hausse de l’activité se traduiraient par une baisse du poids des dépenses de pension de retraite dans le PIB d’ici 2060 ». Toutefois, à court et moyen terme, il y aurait « un risque plus important de hausse temporaire du taux de chômage (...) si la vitesse d’absorption du surplus de main d’œuvre par le marché du travail est insuffisante »

A 60 ans, on est souvent sans retraite et sans emploi

Une partie des économies dues au relèvement de l’âge légal à 62 ans est dépensée en pensions d’invalidité, minima sociaux ou allocations chômage

Avec le recul de deux ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite, initié par la réforme de 2010, le taux d’emploi à 60 ans a bondi de 14 points, à près de 40 %. Mais à cet âge, 29 % des Français sont sans emploi ni retraite, et à 61 ans le taux tombe à 15 %. Ils restent sur le carreau, car « la baisse de la probabilité d’être à la retraite se traduit principalement par une prolongation dans l’état précédent », comme le dit pudiquement le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans une note de travail.

Autrement dit, ceux qui ont un poste peuvent le garder s’ils sont chanceux, mais les autres doivent se contenter du revenu de leur conjoint, du chômage, des minima sociaux, d’une pension d’invalidité ou d’un arrêt maladie qui s’éternise. Alors qu’on reparle d’une éventuelle nouvelle hausse de l’âge légal, le COR a essayé d’y voir clair sur les « effets de déversement » sur les autres dispositifs.

Chômage, maladie, invalidité et inactivité

Les minima sociaux, d’abord. Les effectifs d’allocataires du RSA socle (pauvres), de l’AAH (handicapés) ou de l’ASS (chômeurs en fin de droits) âgés de 60 ou 61 ans ont brusquement augmenté. Il y aurait en 2016 quelque 80.000 allocataires supplémentaires du fait de la réforme de 2010, pour un coût de 600 millions d’euros par an. Mais la dépense la plus importante provient du « déversement » sur les pensions d’invalidité. Elle est estimée entre 1,2 et 1,5 milliard d’euros, correspondant à 125.000 ou 150.000 bénéficiaires supplémentaires. Ces dépenses plus celles dues aux minima absorberaient près de 15 % des 14 milliards d’euros d’économies attendues en 2017-2020 suite au passage à la retraite à 62 ans.

« La réforme de 2010 aurait conduit en 2017 à augmenter de 20 % à 25 % les effectifs d’invalides, et de 26 % à 32 % la masse des pensions d’invalidité versées », souligne le COR. Le risque d’invalidité croissant avec l’âge, non seulement ceux qui étaient déjà inaptes attendent plus longtemps avant de basculer vers la retraite, mais en plus les régimes d’invalidité doivent verser des pensions à de nouveaux entrants de 60 ou 61 ans. S’agissant du chômage, on ne dispose pas d’estimation chiffrée du coût du doublement du nombre d’allocataires de 60-61 ans, entre 2008 et 2015, d’autant plus que ce pic résulte aussi de la crise. Dans une étude produite pour le COR, deux économistes, Simon Rabaté et Julie Rochut, estiment que « pour 100 euros économisés grâce à la réforme, 32 euros sont dépensés dans d’autres dispositifs d’assurance » en additionnant chômage, maladie, invalidité et inactivité.