L’Allemagne veut mettre ses retraités au travail

, par Michel DECAYEUX

LE 14/10/2016 AFP

Avec la Flexi-retraite, le gouvernement allemand veut inciter les séniors à poursuivre une activité professionnelle. Une manière de s’adapter à l’allongement de la durée de la vie.

Passer du jour au lendemain d’une activité professionnelle à la retraite n’est pas toujours chose facile. Outre-Rhin, plus d’un million de personnes continuent de travailler après l’âge légal de départ à la retraite, un chiffre qui a progressé de 35 % en dix ans. Derrière cette tendance de fond se cachent différentes motivations : accroître ses revenus, garder un lien social, transmettre des compétences... Mais jusqu’à présent, cette solution était financièrement très désavantageuse. En fonction de son montant, la pension était diminuée forfaitairement de 33 %, 50 % ou 66 % dès que les gains tirés d’un travail partiel dépassaient les 450 euros par mois.

C’est pourquoi la grande coalition CDU/SPD d’Angela Merkel vient d’adopter un nouveau dispositif pour encourager une sortie plus progressive de la vie active : la retraite flexible. En-deçà d’un plafond annuel de 6 300 euros de revenus supplémentaires (soit 525 euros par mois), l’allocation de retraite reste intacte. Au-delà, elle n’est réduite qu’à hauteur de 40 % des revenus complémentaires. "C’est plus simple, transparent et flexible", se félicite ainsi Andreas Schwarz, directeur de la caisse des retraites du Bade-Wurtemberg. Même avis du côté de Marina Herbrich, présidente de l’Union fédérale des conseillers en retraite, pour qui cette Flexi-retraite permet de "s’adapter aux différents projets de vie".

Des grincements de dents

Dans les rangs de l’opposition, la réforme, qui entrera en vigueur début 2017, a suscité quelques grincements de dents. "La méthode de calcul est si compliquée qu’elle dissuadera beaucoup de retraités d’y recourir", a reproché Markus Kurth, député des Verts. Par ailleurs, si elle s’applique dès 63 ans – l’âge légal actuel de départ à la retraite – la confédération allemande des syndicats (DGB) avait demandé un avancement à 60 ans et 35 années de cotisations. Une proposition refusée par Angela Merkel qui vise au contraire un allongement de la durée de la vie active jusqu’à 67 ans à l’horizon 2030. Déjà, entre 2000 et 2014, l’âge moyen chez les hommes et les femmes est passé de 62,3 ans à 64,1 ans.

Pour faire passer la pilule, un examen médical sera donc proposé dès 45 ans à tout travailleur estimant occuper un emploi pénible. « On rencontre aujourd’hui des personnes entre 55 et 60 ans qui ne sont plus suffisamment en forme pour occuper leur poste, mais pas assez affaiblies pour partir en retraite anticipée", souligne Martin Rosemann, spécialiste des retraites au SPD. "Désormais, on n’attendra plus qu’il soit trop tard pour leur proposer une réorientation professionnelle".

Car, derrière cette réforme, l’objectif est clair : garder les séniors le plus longtemps possible au travail. En août dernier, la Bundesbank avait d’ailleurs émis l’hypothèse de reculer progressivement l’âge de départ en retraite jusqu’à 69 ans en 2060. "La situation financière actuellement satisfaisante des caisses publiques de retraites [qui ont une réserve de 34 milliards d’euros à ce jour, ndlr] ne doit pas masquer que d’autres ajustements seront inévitables pour assurer sa pérennité", peut-on lire dans le rapport. Deux facteurs entrent en effet en jeu. L’espérance de vie est aujourd’hui en Allemagne de 83 ans pour une femme et 78 ans pour un homme et ne cesse d’augmenter. De plus, avec un taux de natalité de 1,5 enfant par femme, le renouvellement des générations n’est plus assuré. Les entreprises en ressentent déjà les effets, avec des difficultés pour remplacer les départs à la retraite. Et d’ici 2050, la situation pourrait s’aggraver : selon les estimations, la population pourrait compter environ 39 % de plus de 60 ans, contre seulement 45,5 % de personnes actives. Mais si la proposition fait l’unanimité parmi les économistes, elle a été balayée d’un revers de main par les politiques, qui ne veulent pas évoquer une mesure aussi impopulaire à un an des élections législatives.

(Angela : c’est travailler, travailler ça rend heureux. C’est comme il y a 70 ans)